Une urbanisation complexe, une sociologie hétérogène
Si l’urbanisation de la ville est intimement liée à l’installation de bourgeois parisiens, il convient de ne pas simplifier un phénomène qui est en réalité relativement complexe. Cette urbanisation se développe par vagues successives et superposent différentes catégories d’habitants. La ville se dote certes de grandes maisons bourgeoises, occupées par des «rentiers» (comme l’affirme l’auteur d’un rapport de 1905) mais une grande partie du tissu pavillonnaire est constituée de maisons plus modestes destinées à la petite et moyenne bourgeoisies. Leur style imite les grandes demeures, notamment les maisons jumelles qui se multiplient. Elles permettent de faire des économies sur la taille des terrains et convoquent un répertoire architectural et décoratif souvent aussi impressionnant que leur modèle.
À la fin du XIXe siècle, une population toujours plus importante s’installe dans la ville. Employés et commerçants investissent notamment les immeubles de rapport construits par les propriétaires fonciers, aux angles des rues ou aux abords des gares, destinés à l’immobilier locatif.
Au XXe siècle, le jeu des subdivisions se poursuit. Dans les années 1920, de nombreux pavillons vont se glisser dans la trame urbaine des quartiers résidentiels existants. Avec des proportions beaucoup plus modestes, ils bénéficient du même investissement décoratif que les grandes villas : jeux colorés de briques teintées ou vernissées, céramiques décoratives ou simple cabochon ornemental posé en milieu de façade.
Le rôle des premières opérations d’ensemble
L'aménagement de nombreuses parcelles s’est effectué à partir de programmes comprenant la construction de plusieurs maisons dotées du même plan mais personnalisées par des éléments décoratifs distinctifs. Les lotissements concertés permettent de réduire les coûts et de rendre ce type d’habitat un peu plus accessible à la classe «moyenne».
Un numéro de La Construction moderne, en date du 14 décembre 1895, prend l’exemple du lotissement réalisé par Juste Lisch pour la Compagnie des Chemins-de-fer de l’Ouest entre les rues Saint-Lazare et Saint-Hilaire pour illustrer l’attraction qu’exerce ce type de lotissement : «d’une valeur locative modeste, ces maisons ont été rapidement occupées. Le séjour de la banlieue immédiate de Paris est, en effet, de plus en plus recherché par les Parisiens qui ne se rendent à la ville que pour leurs affaires». Ils trouvent en outre en banlieue un niveau de confort et d’équipements en rapport avec les standards du moment. On voit ainsi apparaître dans ces logements les cabinets de toilette et les salles de bains.
L’annexe «patrimoine» du PLU de la ville de Colombes, validé en 2013, identifie une dizaine de lotissements concertés datant des années 1890-1900.
La mixité fonctionnelle
Le tissu urbain de la première couronne ne serait pas ce qu’il est sans l’immobilier d’entreprise qui a vu naître, à Colombes, des ateliers au milieu des quartiers d’habitat. L’espace qu’offrait la banlieue a convaincu, par exemple, la famille Guerlain d’y installer vers 1860 une somptueuse villa à proximité de ses ateliers, comme ce sera le cas pour les Vuitton à Asnières.
Cette logique n’est pas réservée à l’industrie du luxe. On peut trouver dans la ville d’anciens ateliers, attenants au logement, liés à l’artisanat et à la petite entreprise, notamment dans les quartiers des Champarons et des Voies du Bois :
• Au n° 87 rue Guerlain, un atelier avec habitation attenante.
• Aux n° 54 et 52 bis rue des Champarons, une très belle villa, constituée dès l’origine d’un double logement, est entourée d’ateliers et de garages sur les parcelles voisines.
• Au n°189 rue des Voies du bois.
Les quartiers résidentiels de Colombes - comme ceux de Bois-Colombes, de la Garenne-Colombes et d’Asnières - reliés directement à Paris par la gare Saint-Lazare, ont été le prolongement de l’urbanisation parisienne, à l’ouest, à la fin du XIXe siècle. Ce territoire a joué un rôle complémentaire au tissu urbain haussmannien, accueillant les activités artisanales et les maisons individuelles qui ne pouvaient plus être édifiées dans Paris.
À Colombes, le développement résidentiel a précédé le développement industriel; les villégiatures, les logements intégrant une activité artisanale ou les immeubles locatifs destinés aux employés sont les témoins de cette histoire urbaine.