La cartothèque
L’étude des cartes historiques et des plans anciens, d’un grand intérêt documentaire, permet en complément d’autres sources historiques et archéologiques de reconstituer l’histoire du territoire. Elle permet de saisir la succession des activités humaines sur un lieu donné et de percevoir le rapport que la société entretient avec l’espace à chaque époque.
La région parisienne a longtemps été le lieu d’expérimentation des nouveaux projets cartographiques des différentes institutions, au premier lieu desquels figurent la cartographie royale et la cartographie militaire qui nous ont livré une documentation particulièrement riche.
Dans les Hauts-de-Seine, la confrontation des sources cartographiques anciennes et de l’organisation spatiale actuelle telle qu’on peut l’observer avec une photographie aérienne donne la mesure des transformations successives.
En outre, cette observation éclaire sur l’origine de certains éléments du paysage actuel, par exemple le pont placé en biais sur les voies ferrées de la gare marchandise de la Folie à Nanterre est issu de l’ancien chemin qui reliait Nanterre à la Garenne de Colombes (Fig 1 à 3).
Le paysage urbain peut nous transmettre des formes héritées du passé alors que les éléments bâtis ont disparus. Un exemple célèbre de transmission des formes est la place Navone à Rome, construite à l’emplacement du stade de Domitien du Ier siècle, elle en conserve la forme exacte.
Dans les Hauts-de-Seine, le nouveau quartier du Fort d’Issy-les-Moulineaux qui conserve l’emprise de l’ancien fort, ou le quartier des Gémeaux construit à Courbevoie dans l’ancienne caserne Charras, sont des exemples contemporains de cette transmission des formes parcellaires.
Plus globalement, l’étude des cartes anciennes permet de retrouver les logiques d’organisation spatiale successives qui se sont empilées sur un territoire. En effet le paysage urbain que nous pouvons contempler est construit par une superposition de trames, correspondant aux réseaux des voies et au découpage parcellaire évoluant à travers le temps.
Ces notions ont ouvert la voie à de nouvelles disciplines en matière d’étude du paysage : l’étude de la trame urbaine définie par Gerald Hanning(1) et l’archéogéographie définie par Gérard Chouquer(2) sont venues compléter les apports de la géographie historique.
Ces disciplines ont conforté la possibilité d’interpréter certaines formes urbaines, par exemple pour retrouver la trace d’un arpentage antique ou d’une ville médiévale dans le plan d’une ville contemporaine. Elles exploitent toute la richesse de la photographie aérienne et des cartes anciennes en complément des sources historiques et archéologiques.
1. Antoni Robert-Max : Trame foncière, Extrait du « Vocabulaire français de l’Art urbain » sur www.arturbain.fr. Ainsi que l’évoquait l’architecte urbaniste Gerald Hanning décédé en 1980, qui initia en 1962 l’étude de la trame urbaine : « L’approche fondée sur l’étude de la trame foncière est inséparable […] d’une politesse élémentaire à l’égard de l’espace hérité et des Hommes qui l’habitent ». Travail mené en collaboration avec Bertrand Warnier et Jean Coignet a sein de l’IAURP (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région parisienne devenu IAURIF)
2. Gérard Chouquer est un chercheur, historien et archéogéographe qui consacre ses travaux à l’étude de la dynamique des paysages, notamment grâce à l’étude de l’histoire de l’arpentage et du cadastre. Depuis 2000, il formalise une discipline hybride, l’archéo-géographie dont il a jeté les bases dans un premier essai : L’étude des paysages. Essais sur leurs formes et leur histoire, Errance, Paris, 2000, 210p.