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la crue de la Seine en 1910

Le 21 janvier 1910, la Seine sort de son lit. La crue va toucher de nombreuses communes du territoire des Hauts-de-Seine. Retour sur les causes et les conséquences d'un événement exceptionnel.

La crue à Asnières en 1910. 9Fi/ASN_378
La crue à Asnières en 1910. 9Fi/ASN_378 © Archives départementales des Hauts-de-Seine

Les raisons de la crue

La Seine a un débit régulier et modéré ; son bassin comporte une forte proportion de terrains perméables qui régularisent naturellement les écoulements dus aux pluies. Les crues ne commencent que lorsque ces terrains perméables sont saturés d’eau.
D’autre part, les rives sont presque partout élevées. Toutefois, il existe dans la vallée quelques parties basses que l’on a dû protéger par des digues, notamment les plaines d’Issy, de Gennevilliers et de Colombes.
Mais, en amont de Paris, la Seine reçoit deux affluents, l’Yonne à Montereau, la Marne à Charenton, qui sont deux cours d’eau à régime torrentiel. Ainsi, il  faut que les crues extraordinaires de ses affluents se combinent pour provoquer la crue de la Seine.

On constate rarement des coïncidences de crues torrentielles successives. Et il semble à peu près impossible que cela ait lieu pour deux crues extraordinaires, car les grandes pluies ou fontes de neige capables de produire ces grandes crues ne se succèdent presque jamais à de courts intervalles.
Or, ce sont précisément ces coïncidences exceptionnelles qui ont déterminé l’inondation de janvier 1910 : la hauteur de pluie dans le bassin de la Seine pendant le mois de janvier atteignit 100 millimètres, soit le double de la normale. Ce n’eût pas été suffisant pour provoquer le débordement, mais ces pluies se répartirent de façon malencontreuse. En règle générale, la crue de l’Yonne se fait sentir à Paris en quatre jours ; celle de la Marne arrive deux jours plus tard, alors que la première est en grande partie débitée. Cette fois, la continuité des pluies dans ces deux bassins  torrentiels détermina une succession de crues telle que la surcharge des deux cours d’eau a fini par se présenter en même temps aux portes de Paris.

La crue dans le territoire des Hauts-de-Seine
Au pont de Bezons (entre Colombes et Bezons), on considère qu'il y a crue lorsque la Seine atteint la cote de 4,80m. Le 12 janvier 1910, la Seine est à 3,22m, puis 3,65m le 19. Le niveau de crue est atteint le 21 janvier (4, 94m), puis le niveau d'eau continue à s'élever : 5, 90 m le 22 janvier, 6,95 le 25, 7,47 le 27 et enfin 7,92, niveau maximal, le 30 janvier. La Seine regagne lentement son lit, elle ne repasse définitivement sous les 6 mètres le 19 février, et sous les 5 mètres le 10 mars.

Généralement, la crue s'est d'abord propagée par les bouches d'égout communiquant directement avec la Seine, puis ensuite par le débordement du fleuve. De ce fait, de plus ou moins larges bandes longeant le fleuve sont inondées, ainsi que des zones plus éloignées du simple fait des égouts et des infiltrations. Il est à remarquer que les communications entre les communes de la rive gauche et de la rive droite ont été presque totalement coupées : seuls les ponts de Sèvres et de Neuilly sont restés accessibles, tous les autres ponts (Saint-Cloud, Suresnes, Courbevoie, Puteaux, Asnières, Clichy) ont eu leurs accès noyés sur l'une ou l'autre rive, voire les deux.

Détails de la crue par commune :

Communes de la rive droite :

Boulogne-Billancourt et le bois de Boulogne : des quartiers sont touchés dès le 21 janvier (eaux provenant des égouts), puis à partir du 24 janvier par les quais. L'hippodrome de Longchamp et le champ d'entrainement ont été couverts d'eau (jusqu'à 3 mètres au carrefour des tribunes).

Neuilly : une bande de 300 à 400m de largeur est inondée le long des quais. Les infiltrations ont été particulièrement importantes, de part la nature sablonneuse du sous-sol.

Levallois-Perret : inondation d'une bande de 300 à 400 mètres le long des quais, ainsi que de deux zones de 1 et 6 hectares dans le centre de la ville (infiltrations et eaux des égouts), avec même une hauteur d'eau supérieure à celle de la Seine.

Clichy : même constat sur les quais, ainsi que trois zones en centre ville de 15, 4 et 1 hectare.

Communes de la rive gauche :

Issy-les-Moulineaux : une grande partie du territoire a été inondé.

Sèvres et Meudon : seuls les quartiers bas de ces deux communes ont été touchés.

Saint-Cloud : la zone comprise entre les ponts de Sèvres et de Saint-Cloud (partie basse du parc) a été submergée directement par la Seine.

Suresnes : 1,20 mètre d'eau au dessus des quais.

Puteaux : deux zones de 6 et 4 hectares ont été couvertes d'eau dans les parties centrales de la ville par les infiltrations et les égouts.

Courbevoie : jusqu'à 2,50 mètres d'eau dans le quartier du bas-Bécon.

Asnières, Gennevilliers et Colombes : la presqu'île de Gennevilliers a été particulièrement touchée par la crue, affectant ces trois communes. Un ensemble de digues devait protéger cette zone, mais elles ont été submergées. Toute la presqu'île fut envahie, sauf la zone surélevée comprenant le centre de Gennevilliers.

Nanterre et Rueil : c'est par une submersion directe que ces communes ont été touchées, elles n'étaient pas protégées par une digue. La largeur de la partie atteinte a été de 1 kilomètre à Nanterre.

La décrue commença le 28 au soir, ce qui n’empêcha pas certains périmètres de rester plus d’un mois sous l’eau. Ce n’est que le 15 mars que l’on put dire en toute certitude que la Seine était rentrée dans son lit.

Tableau des dégâts causés par la crue :

 

Maisons inondées

Maisons évacuées

Maisons  partiellement ou totalement écroulées

Caves noyées (en dehors de la zone inondée)

Boulogne

Env. 1000

10

5

700

Neuilly

210

50

 

258

Levallois-Perret

500

39

1

600

Clichy

1400

25

30

730

Issy-les-Moulineaux

800

500

2

 

Meudon

100

44

 

 

Sèvres

25

3

 

 

Saint-Cloud

60

35

 

 

Suresnes

105

60

 

 

Puteaux

350

110

45

 

Courbevoie

574

400

4

 

Asnières

1120

600

14

 

Gennevilliers

1227

150

13

 

Colombes

1100

700

1

 

Nanterre

190

170

15

 

Rueil

471

409

 

 

 Pour éviter que de tels dégâts ne se reproduisent, il est proposé, concernant les communes de l'actuel territoire des Hauts-de-Seine, de réaliser diverses travaux, notamment de relever certaines routes et de créer des parapets, ainsi que d'améliorer les digues.

Source : Ministère de l'intérieur et des cultes, rapport de la commission des inondations. Paris, 1910. 5BA88

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