Transformation du paysage et morcellement urbain
En raison de la localisation des gares à la périphérie de la ville, l’urbanisation s’est développée à partir de foyers dispersés et a constitué l’une des principales motivations de l’émancipation de Bois-Colombes en 1897, puis de la Garenne-Colombes en 1910.
Comme le rappelle Mattéo Poletti : «la mise en service de la station de Bois-Colombes en 1857 allait précipiter les choses […] en provoquant le développement des agglomérations de Bois-Colombes et de la Garenne-Colombes, le chemin-de-fer, qui avait déjà opéré la partition des territoires, allait être à l’origine de leur séparation et de leur érection en communes indépendantes».
Les cartes de la fin du XIXe siècle nous permettent d’observer le rythme d’urbanisation du territoire. La croissance de Bois-Colombes et de la Garenne-Colombes est plus rapide que celle de la périphérie du bourg de Colombes comme on peut le constater sur les Atlas du Département de la Seine (fig. 1 et 2).
Au cœur du bourg, au fil des héritages et sous la pression immobilière liée à l’arrivée du chemin-de-fer, les anciens domaines sont morcelés et lotis. À partir des années 1860, des rues nouvelles sont tracées. C’est le cas par exemple du domaine de la famille Labouret, situé au nord de la rue Saint-Denis. Il en est de même pour le domaine Halphen, au sud. La famille Boc-Saint-Hilaire, qui avait acheté l’ancien domaine du marquis de Courtanvaux au nord-est de la ville en 1831, transforme cet ancien parc en lotissant le terrain par des opérations successives.
Les rues nouvellement tracées prennent parfois le nom du dernier propriétaire auquel a appartenu le domaine loti : rue Saint-Hilaire en 1861, rue Labouret en 1868, ou encore rue Halphen en 1873.
Les parcelles, même modestes, se morcellent avec la hausse de la demande en logement. Parfois un individu, issu de la bourgeoisie parisienne, achète une parcelle pour construire une maison. Lui-même ou ses descendants vont ensuite faire construire d’autres maisons, souvent plus modestes, à travers des programmes de lotissement permettant de réduire les coûts. Ces nouveaux pavillons et immeubles de rapport sont destinés à un panel sociologique plus large incluant les employés. On doit à ces propriétaires-lotisseurs de nouvelles voies dont les petites «avenues» auxquelles, bien souvent, ils donnèrent le prénom de leur fille ou de leur épouse. La toponymie de Colombes est marquée par ce phénomène : on compte ainsi trente-sept toponymes issus de prénoms féminins.
Les quartiers résidentiels de Colombes initiés au XIXe siècle sont composés de constructions d’époque et de style différents, et leur composition sociale s’est diversifiée au fil du temps.
Sous l’effet du développement urbain, l’habitat agricole ou ancien commence à disparaître, effacé par les vagues successives d’urbanisation. Les anciennes maisons de bourg et les fermes situées le long de la rue Saint-Denis sont progressivement transformées en habitats collectifs ou en logements de rapport, avec l’installation de commerces au rez-de-chaussée.
Le Clos Gallé : un programme original et précurseur
Parmi les lotissements réalisés, l’un des premiers programmes fait figure d’excentricité : le Clos Gallé. Adepte du saint-simonisme, Julien Gallé (1806-1879) avait créé la première «Société de Secours Mutuels de Colombes» en 1856, puis une Société Immobilière deux ans plus tard, qui répondaient à deux objectifs :
- «réagir contre l’agglomération anormale et désastreuse de la population dans Paris et les grandes villes et contre l’exigüité, l’insalubrité et l’impropreté des logements qui en sont les conséquences»
- «favoriser par l’application du principe de coopération l’accession à la propriété du plus grand nombre de personnes»
Pour favoriser l’accès à la propriété des plus modestes, Gallé subdivise en 30 lots une partie du terrain dont il est propriétaire. Vingt-quatre sociétaires accèdent ainsi à la propriété en 1858. Ce programme est singulier de par le choix d’une forme mutualiste. Deux autres lotissements de ce type sont par la suite construits sur le domaine acquis par Julien Gallé. Le dernier, appelé «Villa Gallé», est réalisé bien après la mort de celui-ci, dans les années 1920, à l’emplacement de son ancienne résidence personnelle.