Un métier typique : blanchisseuses
Les blanchisseries étaient nombreuses sur le territoire des Hauts-de-Seine, de Boulogne jusqu'à Clichy, en passant par Rueil, faisant travailler des milliers de personnes au début du 20e siècle. Cette activité a laissé de nombreuses traces, comme en témoigne de le nom de nombreuses rues des communes du département.
Alphonsine Brenu ou Pierre Jullien à Rueil-Malmaison, Rose Clausse à Clichy,… les recensements de population et actes d'état civil du XIXe siècle fourmillent de mentions de blanchisseuses et blanchisseurs. Dans un souci de confort et d'hygiène, cette activité se développe le long de la Seine, notamment sur les "sablons" infertiles et peu coûteux. Ces terrains sont propices à l'installation d’importantes infrastructures : lavoir, séchoir, bassin, réservoir, tonneau-laveur, salle de repassage… Nous trouvons ainsi des blanchisseries de Clichy à Sèvres alors que d'autres sont situées au bord des étangs de Ville-d'Avray. Le blason de Vanves, avec ses trois battoirs de lavandière a senestre, ou la toponymie des rues de certaines communes, comme Boulogne-Billancourt, Chaville, Clamart ou Puteaux, témoignent de l'importance de cette profession dans le département.
Les blanchisseuses amusent par la vivacité de leur allure, la verdeur et l'effronterie de leurs propos. Leurs incessants bavardages, autant que leur conduite souvent fort légère, les font surnommer "les poules d'eau". Elles tendent les cordes de leurs séchoirs n'importe où, jusqu'en travers de la chaussée et oublient parfois de les enlever au matin, provoquant des accidents parmi les piétons et les cavaliers.
Des plaintes apparaissent. Ainsi, lors de la délibération du conseil municipal de Boulogne du 7 décembre 1871, le maire expose les faits suivants : en décembre 1869, "le directeur de la voie publique et des promenades, s'est plaint de la dégradation de talus sur les bords de la Seine, en regard de la rue de l'abreuvoir, par les blanchisseuses de ce quartier, qui, depuis longtemps, sont dans l'usage de laver, en cet endroit, leur linge à la rivière et s'est adressé à l'administration municipale pour faire cesser cet état des choses". Il présente ensuite un devis pour la construction d'un lavoir.
Une autre délibération du conseil municipal de Boulogne du 3 mars 1897 mentionne une pétition adressée au ministre du Commerce et de l'Industrie par des patrons et ouvriers blanchisseurs réclamant la modification de la loi sur le travail dans l'industrie pour permettre à leur personnel de faire des heures supplémentaires. En effet, "l'industrie de blanchissage […] est appelée à subir, pour des causes multiples, des à-coups fréquents. […] Le personnel subit chaque année un chômage très long, surtout à l'époque des bains de mer".
Il est toujours question des blanchisseries dans les monographies communales rédigées au début du XXe siècle. Ainsi, Puteaux compte encore une quinzaine d'établissements en 1905, Courbevoie 105 en 1906 et Boulogne, la plus forte concentration de la région parisienne, 411 en 1905 qui emploient plus de 7000 personnes. Cette industrie perdra de son lustre au lendemain de la Première Guerre mondiale en raison de la concentration des entreprises, du développement des laveries automatiques et surtout de l'essor de l'équipement individuel des ménages en machines à laver.