L'influence médiévale et les frères Leseine
Le renouveau médiéval de la première moitié du XIXe siècle relève à la fois d’une mode littéraire, d’une nostalgie romantique, des nouvelles études archivistiques et des avancées archéologiques. Cette nouvelle perception du Moyen Âge se manifeste en architecture au travers du style troubadour, du néo-gothique et du néo-roman.

Le vocabulaire architectural de ces styles offre une grande variété de formes et d’ornements. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’architecture résidentielle autour de Paris recourt parfois à des motifs qui illustrent l’engouement pour le Moyen Âge. Certains éléments de décors sculptés visibles sur les maisons puisent dans le registre des figures fantastiques telles que les gargouilles de cathédrale. Des façades présentent parfois des pinacles ou des culs de lampe sculptés au profil néo-gothique.
Le style néo-médiéval tient une bonne place à Colombes au sein du corpus de bâtiments marqués par des influences historiques. Les frères Albert et Paul Leseine ont joué un rôle important dans ce phénomène. Leurs réalisations marquent en effet l’esprit de par la richesse décorative qui anime la construction. Ainsi des maisons dont l’emprise au sol est souvent faible - autour de 50 m² pour certaines - deviennent-elles de véritables hôtels particuliers aux accents flamboyants.
Paul (1863-1929) et Albert (1859-1930) Leseine sont issus d'une lignée de maçons devenus entrepreneurs en bâtiments, implantée à Colombes depuis 1738. Leur grand-père Denis Leseine et leur oncle Pierre-Marie ont été conseillers municipaux, respectivement de 1870 à 1874 et de 1888 à 1892. Paul est également conseiller municipal de 1910 à 1919.
Les frères Leseine ne se sont pas restreints à la veine néo-médiévale. On leur doit également la réalisation de l’Hôtel de ville, d’inspiration nettement Renaissance. L’ensemble de leur œuvre reflète bien les différents courants de l’architecture éclectique. Autre point caractéristique des constructions des Leseine : proposer des maisons de grand confort à coût réduit.
Plusieurs édifices des frères Leseine sont encore visibles:
La Villa du 22 avenue Eugénie
Construite à la fin du XIXe, cette maison reprend le modèle à deux travées dissymétriques et multiplie les citations historicistes, mêlant néo-gothique et Renaissance.
La décoration de la travée de gauche se compose essentiellement de deux culs-de-lampe gothiques portant le linteau du rez-de-chaussée, ainsi que d’un encadrement de style Renaissance sur la baie du premier étage.
Sur la travée de droite, le décor Renaissance de la niche du premier étage voisine avec une sculpture à figure humaine rappelant les gargouilles médiévales. La tourelle et son toit à l’impériale (en ardoise taillée en écaille) évoque le XVIe siècle.
La porte d’entrée, surmontée d’un arc surbaissé dont la clé est ornée d’un personnage jouant du luth, évoque aussi le Moyen Âge.
La Villa du 102 rue du Maréchal Joffre
Cette maison fut construite en 1895. La gravure ci-jointe montre le projet original. La polychromie des briques d’origine a disparu et la maison présente actuellement un aspect plus sobre. On retrouve le modèle de la façade à deux travées dissymétriques. Ici encore, la prégnance de la référence gothique s’exprime par les formes élancées de la maison et l’utilisation du bois. Outre les panneaux de céramique décorant les linteaux, on remarque surtout la logette en bois (oriel), élément décoratif et fonctionnel accentuant le relief de la façade. Ouvrant la construction sur l’extérieur et sur le jardin, elle confirme le souci de proximité avec l’environnement immédiat de la demeure, comme le permettent, d’une autre manière, la véranda et le jardin d’hiver.
La Villa du 116 rue du Maréchal Joffre
Autre variation leseinienne du style éclectique, cette villa témoigne de plusieurs éléments historicistes, mais sur un mode plus mineur. A l’instar de la maison de l’avenue Eugénie, celle-ci dispose d’une tourelle encastrée dans la travée de droite, avec une toiture en poivrière tronquée. Comme la villa précédente, une logette est présente sur la façade principale, mais elle est cette fois dotée d’un décor en pierre imitant des pilastres ioniques. On remarque la belle porte d’entrée, couverte d’un arc cintré porté par deux culots sculptés d’inspiration gothique. L’arc est surmonté d’un cartouche sculpté et d’un pinacle mêlant des influences Renaissance française et néo-gothique.
L'Immeuble du 37 rue Saint-Denis
Riche de multiples influences, cet immeuble présente un fronton d’inspiration Renaissance au-dessus de la porte d’entrée et des aisselliers néo-médiévaux (pièces de bois, disposées de biais portant le débordant d’un toit) ici en forme de gargouille.
Le petit hôtel du 13 rue Saint-Vincent
Malgré l’étroitesse de la parcelle, les frères Leseine offrent dans cette réalisation de 1895 un autre exemple de construction historiciste. La maison, longtemps inhabitée, a connu différentes modifications lors de sa restauration. Parmi les effets décoratifs encore visibles, on peut remarquer la balustrade d’angle qui agrémente le perron dont le motif en pierre sculptée à entrelacs reprend le vocabulaire architectural d'inspiration médiévale.