Présentation d'un incunable

Repères chronologiques : c'est à Mayence, en 1455, que sort des presses le premier ouvrage imprimé, une bible dite "Bible à 42 lignes", fruit des recherches de trois hommes : Johann Gutenberg, orfèvre, Johann Fust, banquier, Pierre Schoeffer, copiste et calligraphe. Ces techniques gagnent l'Italie en 1565, puis la France : l'atelier de la Sorbonne à Paris produit le premier incunable français en 1470 ; Lyon suit en 1473. 1500 est la date butoir pour qualifier un incunable. C'est un choix de convention ; en effet, les formes du livre évoluent lentement et c'est plutôt autour des années 1530 que le livre s'émancipe enfin des pratiques médiévales héritées des manuscrits.
Format : les fonds d'incunables offrent une grande variété de taille et d'aspect. Des énormes sommes théologiques, lourdement reliées, aux petites plaquettes scolaires de quelques feuillets, recouvertes d'un simple parchemin, tous les formats de l'in-folio à l'in-octavo s'y rencontrent. D'autre part, la taille réduite d'un volume ne présage pas toujours d'un faible nombre de pages, puisque certains petits ouvrages comptent parfois jusqu'à 300 feuillets.
Texte : généralement assez dense, disposé sur deux colonnes pour faciliter la lecture dans les grands formats notamment, ou à longues lignes pour les plus réduits. Précédé ou non d'une page de titre, il peut être assorti d'une table des chapitres en tête ou fin de volume. Suivant la tradition médiévale, il n'est pas rare que le texte soit imprimé en gros caractères au centre de la page, inséré dans la glose imprimée en plus petit.
Caractères : la gothique a supplanté la minuscule caroline, utilisée par les copistes du haut Moyen Âge. Tout naturellement, l'incunable reprend d'abord ce caractère, en conservant les nombreuses abréviations et ligatures de lettres de l'écriture manuscrite. On distingue trois types de caractère gothique : la gothique "de forme", la gothique "de somme", la bâtarde. En Italie, les humanistes de la Renaissance, en particulier Pétrarque, soucieux de s'écarter de la forme des textes médiévaux, remettent à la mode la minuscule caroline pour copier les textes de l'Antiquité classique : c'est le caractère romain. Il devient alors le caractère de prédilection des ateliers italiens, pour l'édition des auteurs latins.
Enrichissements : le texte est dense, les alinéas inexistants ; il faut donc d'autres repères à la lecture. En tête des différents livres ou chapitres, un espace blanc est ménagé, à la place de l'initiale vacante, pour laisser à l'enlumineur le soin d'en réaliser le tracé, plus ou moins orné. Une lettre minuscule, appelée lettre d'attente, est toutefois imprimée dans cette réserve blanche pour renseigner l'enlumineur. Le livre est aussi décoré de rubriques, du latin ruber, "rouge" : à l'encre rouge, on comble la lettre d'attente (si le livre n'est pas enluminé), on rehausse les initiales, on étire des motifs ornementaux pour remplir les fins de ligne. Pour rythmer le texte, à la place de ce qui équivaudrait aujourd'hui à un début de paragraphe, le rubricateur trace à la main un petit signe conventionnel appelé pied de mouche. Peu à peu, les imprimeurs garnissent eux-mêmes ces espaces, notamment avec des lettrines gravées sur bois, de la même façon qu'ils commencent aussi à imprimer en rouge certaines têtes de chapitres.
Illustration : la première illustration de l'incunable reste l'enluminure. Les rubriques, les lettres peintes, souvent dans une alternance de rouge et bleu, sont d'autres éléments importants de la décoration. Pour que l'art typographique reste au plus près de l'art du copiste, l'incunable présente parfois des réglures tracées à la main, survivance nostalgique du temps où le copiste devait tracer des lignes et délimiter les marges. Puis, l'imprimeur prend en charge l'illustration : la gravure sur bois prévaut jusqu'au milieu du 16e siècle, la gravure sur cuivre n'étant employée qu'exceptionnellement. Cette technique relativement simple, procédé en relief, comme la typographie, permet d'imprimer en même temps texte et image, et favorise donc une souplesse d'emploi.
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