Mise en page 1 - page 79

79
Livre d’icônes de la
collection de Lydie
Le Savoureux, CKGJ
Fonds Le Savoureux -
Collection Maison de
Chateaubriand
ment de soins. La première guerre
mondiale ayant éclaté, Le Savoureux,
spécialisé en psychiatrie, devient mé-
decin expert auprès des autorités mili-
taires. Son associé disparaît au front.
Le 20 août 1923, Lydie Plekhanov
épouse Henry Le Savoureux, veuf de-
puis le 12mai 1920, à lamairie de Bou-
logne. Une grande connivence intel-
lectuelle et professionnelle rapproche
les deux médecins. L’ouverture d’un
musée Chateaubriand à laVallée-aux-
Loups, dès 1925, aurait-elle eu lieu sans
la présence aux côtés du docteur d’une
complice qui avait vu défiler au domi-
cile paternel l’élite européenne du dé-
but du siècle, avait elle-même fré-
quenté les salons genevois et devait
être désireuse de reconstituer un cer-
cle intellectuel dans lequel elle se sen-
tirait parfaitement à l’aise ? Seul, Le Sa-
voureux serait probablement resté un
simple collectionneur, replié comme
biend’autres sur sa collection. Elle lui a
permis avec beaucoup de tact de la
partager. Ayant ses propres goûts, elle
reste à la fois proche et en retrait de la
passion de son époux lorsqu’il crée la
Société Chateaubriand, en 1930. Lydie
Le Savoureux participe aux activités de
celle-ci, reçoit ses membres et est de
tous les voyages de l’association. Après
la mort du docteur, le 21 juin 1961, elle
continuera à accueillir les visiteurs sur
les traces de l’écrivain, les réunions et
les banquets organisés par la Société.
indépendance d’eSprit
« Fine, tranquille et précise / Délicatmou-
vement d’horlogerie / Voix en harmonie
avec les gestes et les paroles (genre lar-
ghetto de Bach) / Esprit scientifique : sim-
ple et net / Possède lameilleure qualité fé-
minine : l’intuition / Et la meilleure
qualité masculine : la raison / Après un
courtmoment d’attention et de réflexion /
Trouve exactement la parole à dire »
,
ainsi la décrit une patiente, qui sou-
ligne sa complémentarité avec le doc-
teur.
Ces qualités sont peut-être la cause de
sa proximité particulière avec les
femmes artistes soignées à la Vallée-
aux-Loups ou proches de malades :
Violette Leduc, amenée par Simone de
Beauvoir, Gabrielle Ferrand, peintre
spécialisée dans l’exotisme extrême-
oriental, Marcelle Cahn, Nadia,
deuxième femme de Fernand Léger,
elle-même peintre et d’origine russe…
Natalia Gontcharova, qui lui offre plu-
sieursœuvres en 1951, constitue un cas
à part. Elle vient chaque jour à la Val-
lée-aux-Loups au chevet de Larionov,
pendant les mois de convalescence
qu’il passe là, à la suite d’une attaque.
Plus tard, après la mort de Gontcha-
rova en 1962, quandMikhaïl Larionov
vit retiré à Fontenay-aux-Roses, Lydie
le Savoureux va le voir régulièrement
jusqu’à son remariage avec Alexandra
Tomilina, quelques mois avant la fin
de sa vie.
Passé l’emballement pour la révolution
de évrier et le désir contrarié d’instal-
lation dans un pays imaginé à travers
la vision de ses parents, Lydie s’inté-
resse de loin à lamémoire familiale et
à la politique russe jusqu’aumilieu des
années 1950. Son premier et bref
voyage enURSS n’a lieu qu’en 1931, au
moment de l’inauguration de la Mai-
son Plekhanov. En 1957, après l’invita-
tionofficielle du gouvernement sovié-
tique aux deux filles de Plekhanov
(8)
,
Lydie renoue avec les membres de sa
famille restés en Russie et nourrit dès
lors une abondante correspondance
avec eux. À la mort de Genia, en juin
1964, elle reprend le flambeau, mais
avec retenue. Entre 1972 et 1974, elle or-
ganise la transmission des archives
historiques qu’elle conserve encore.
Après la tentative avortée de dépôt
à l’École de Hautes études en histoire
sociale (EHESS), le 8 avril 1974, elle
confie l’ensemble de ces documents à
l’Institut international d’histoire sociale
d’Amsterdam.Qu’ils puissent rejoindre
les fonds conservés en URSS ne sem-
blemême pas avoir été envisagé.
Lydie Plekhanov-Le Savoureux décède
le 23 mars 1978, dans une clinique
parisienne. Elle repose auprès de sa
sœur, aucimetièreanciendeChâtenay-
Malabry. Elle allait avoir 97 ans et était
restée
« extraordinaire, et de vie et
de participation à l’actualité »
, selon
les mots d’une amie qui saluait aussi
son indépendance d’esprit… jusqu’au
bout.
n
(C) Voir Mikhaïl Chichkine,
La Suisse russe
, Paris,
DBBI, p. JG et suivantes,
chapitre consacré à
Genève.
(D) Lettre de Rosalie
Plekhanov à Genia.
(E) Rapporté par Jacques
Sadoul, dans
Notes sur la révolution
bolchévique
, Paris, CKCK,
dans une lettre à Albert
Thomas du EC octobre
CKCI.
(F) Épisode raconté par
Aniouta Pitoëff dans
Ludmilla,mamère
,chap.H ;
repris par Jacqueline
Jomaron dans
Georges
Pitoëff, metteur en scène
.
(G) Monté lors d’un gala
au profit de la Croix-
Rouge, le DB décembre
CKCG
(H) Dans une lettre
émouvante, celle-ci lui
conseille de rester en
France, car elle la croit
plus française que russe
et craint des difficultés
pour elle, dans un pays
qu’elle ne connaît pas.
(I) Son agenda de CKHE
indique des visites tous
les quinze jours au moins
jusqu’en mars. Elle
connaissait sans doute
les deux artistes depuis
l’époque des Ballets
Russes en Suisse en CKCG.
(J) En août-septembre
CKEC.
© CG92/Maison de Chateaubriand
1...,69,70,71,72,73,74,75,76,77,78 80,81,82,83,84,85,86,87,88,89,...114
Powered by FlippingBook