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année de la russie
Vallée-aux-Loups
et soutiendra sa thèse à Genève en
1889. Participant aux travaux théo-
riques de sonmari, elle entretient aussi
le ménage par son travail de médecin
et par des cours donnés aux enfants de
la bonne société genevoise.
une jeuneSSe à genève
Sofia Lydia Gueorguievna naît le 28
mai 1881 aux Molières (ancienne
Seine-et-Oise), alors que ses parents
sont en exil depuis un an en région
parisienne et juste avant qu’ils ne par-
tent s’installer à Genève, grande cité
d’accueil de tous les proscrits d’Europe.
Une seconde fille Eugénie, diteGenia,
naît le 14 juillet 1883. Les deux sœurs
seront toujours proches l’une de
l’autre. Le premier étage du 6, rue de
Candolle où la famille vit officielle-
ment à partir de 1894 devient une
adresse incontournable pour les révo-
lutionnaires russes comme pour nom-
bre d’intellectuels démocrates de toute
l’Europe. L’appartement est tapissé
de livres. Beaucoup de livres d’art y
figurent. Plekhanov intègre l’art dans
sa pensée politique, il rédigemême un
ouvrage sur l’art français du
xVIII
e
siècle
et écrit des articles de critique théâtrale.
La sensibilité de Rosalie la porte plutôt
vers lamusique et notamment vers les
concerts d’Alexandre Scriabine.
Les deux filles du couple grandissent
ainsi dans une ambiance intellectuelle
animée et ouverte. Leur éducation
semble avoir été plutôt libre. Courti-
sées par les jeunes révolutionnaires ve-
nus visiter le grand homme, elles les
déçoivent : parlant mal le russe, avec
un accent français qui les sépare des
autres étudiants russes, elles sont
devenues « des jeunes filles de la
bourgeoisie genevoise ».
Dès 1902, Lydie Plekhanov commence
des études demédecine à la faculté de
Genève. Pendant l’année universitaire
1905-1906, elle est à Paris où elle de-
vient la condisciple d’étudiant, Henry
Le Savoureux, externe des hôpitaux,
dans le service du docteurHirtz à l’hô-
pital Necker. Puis elle retourne en
Suisse. Fin 1909, elle est habilitée
à exercer commemédecin chirurgien.
Le 24 mai 1912, elle reçoit, de l’univer-
sité de Gênes, le diplôme l’autorisant
à exercer en Italie. Dès 1910, elle assis-
tait sa mère qui avait ouvert un sana-
torium, la villa Vittoria II à San Remo,
où son père venait régulièrement
soigner ses poumons. Elle y demeure
pendant une grande partie de la
guerre et continue à s’occuper desma-
lades après le retour de ses parents en
Russie, malgré un ardent désir de
vivre les événements de février aux
côtés de son père. Quelques jours
avant la révolution d’Octobre, ce der-
nier souhaitait également qu’elle le
rejoigne. Elle ne le pourra pas et sera
même absente à ses obsèques.
Mais au-delà de ses parents, de son ac-
tivité de médecin, Lydie participe à la
vie artistique. Elle aime la poésie : Bau-
delaire, Rilke, Pouchkine, Leconte de
Lisle,Verhaeren…Boris Savinkov, l’au-
teur du
Cheval blême
, avec qui elle
entretient une correspondance entre
1912 et 1914, lui propose d’écrire avec
elle un article surVerlaine.
À Genève, son cercle d’amis genevois
se compose des Baud-Bovy, famille ar-
tiste de peintres et sculpteurs, d’Élisa-
beth Krouglikov, peintre russe liée
à Ramuz, Robert de Traz, écrivain et
essayiste, FélicienChallaye, journaliste
dreyfusard, anticolonialiste et ultra-pa-
cifiste, fourvoyé un temps avec le
régime de Vichy, Fred Boissonnas,
photographe allié aux Baud-Bovy.
Lydie, qui nourrit une vraie passion
pour le théâtre, fréquente aussi les
cours deMme Chantre, professeur de
diction qui tient salon tous les après-
midi. Inscrite au conservatoire de
Genève, elle obtient plusieurs prix de
déclamation entre 1899 et 1902.
C’est elle qui « découvre » en 1915
Georges et Ludmilla Pitoëff, tout juste
arrivés à Genève après leur mariage.
Ils jouent
OncleVania
deTchekhov, en
russe, au profit des prisonniers russes.
Lydie les introduit chez M
me
Chantre
qui se passionne à son tour. Les sou-
tiens qui s’ensuivent permettent au
couple de rester pendant sept ans avec
leur compagnie dans la confédération,
à Plainpalais. Romain Rolland, Rilke,
Ramuz, AurélienLugné-Poe viendront
les voir jouer. Quand Lydie Plekhanov
n’est pas au premier rang parmi les fi-
dèles, il lui arrive de jouer en amateur
dans la troupe.
Vers la fin de 1915, ce sont les Ballets
russes de Serge de Diaghilev, avec
Gontcharova et Larionov comme
concepteurs des décors et costumes,
qui proposent
Soleil de nuit
(5)
.
Mariage et connivence avec
Henry Le Savoureux
En août 1918, renonçant à vivre enRus-
sie sur le conseil de samère
(6)
, elle s’en-
gage dans la Croix-Rouge internatio-
nale et s’établit au Plessis-Robinson.
Elle estmédecin responsable du sana-
torium Trudeau, émanation de la
Croix-Rouge américaine, basé dans les
locaux de l’actuelle mairie du Plessis,
jusqu’enmars 1919.
Elle devient de ce fait la voisine de son
ancien camarade d’études, Henry
Le Savoureux, déjà installé àChâtenay-
Malabry. En 1914, celui-ci s’était porté
acquéreur, avec le docteur César Hu-
gonin, de l’ancienne propriété de
Chateaubriand dont il était un fervent
lecteur. Ils en avaient fait un établisse-
« Ce désir de reconstituer
à la Vallée-aux-Loups
un cercle intellectuel dans
lequel elle se sentirait
parfaitement à l’aise. »
Poupées russes
en costume
traditionnel
Carton, bois, laine,
matériaux divers,
milieu du XXème
siècle. Chacune :
H. CB x Diamètre
G cm
Fonds Le
Savoureux -
Collection Maison
de Chateaubriand
© CG92/Gilles Vannet