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brioleurs s’emparaient des archives
Trotski. Ce vol, Souvarine l’attribua
toujours à des agents de Staline.
En juin 1939, un article intitulé « Une
partie serrée se joue entreHitler et Sta-
line », qu’il avait donné au
Figaro,
fit
scandale : ce rêveur de Souvarine ne
laissait-il pas entrevoir lapossibilitéd’un
absurde pacte germano-soviétique ?
Comme on sait, ce pacte eut bien lieu
et ouvrit à nouveau toutes grandes les
portes à l’entrée du dieu Mars sur la
scène internationale.
Défaite. Armistice. Occupation.En
1940, la bibliothèque de l’Institut fut
pilléeànouveau, par lesnazis cette fois ;
et ses collections « déménagées » en
Allemagne.
C’est seulement après la guerre, et avec
l’aide notamment de Jacques Cheval-
lier, député maire d’Alger, que Souva-
rine entreprit de reconstituer l’Institut
et une partie de ses collections.
Il s’installa au 199 boulevard Saint-Ger-
main, fit en avril 1954 de l’Institut
d’Histoire sociale une « association loi
1901 », amassa livres, journaux et do-
cumentation, et lança même une
revue,
Le Contrat social
,
qui put se tar-
guer d’articles aux signatures presti-
gieuses. Outre Souvarine, apportèrent
en effet leurs contributions Raymond
Aron, Lucien Laurat, Branko Lazitch,
Kostas Papaïoannou, Manès Sperber,
BertramWolffe, etc.
Trop à l’étroit pour des collections qui
prenaient de l’ampleur, l’Institut d’His-
toire sociale s’installa alors 15 avenue
Raymond-Poincaré, avec l’aide de la
Mairie de Paris. Et si Boris Souvarine
quitta, pour raison de santé, la direc-
tion de l’Institut, il continua d’appor-
ter à sa direction ses conseils pour le
développement de la bibliothèque,
jusqu’à sa mort, survenue le 1
er
no-
vembre 1984.
En 1992, et tout en conservant sa di-
rection intellectuelle, l’Institut d’His-
toire sociale fit don de sa bibliothèque
au conseil général desHauts-de-Seine
qui l’accueillit généreusement dans
des locaux duQuartz, un immeuble de
Nanterre abritant divers services dé-
partementaux. C’est à cette occasion
qu’elle fut joliment baptisée « La Sou-
varine ». Manière de rendre hom-
mage à son fondateur.
une réfLexion sereine
Parmi les trésors de ce fonds excep-
tionnel, on trouve bien sûr les livres,
les articles et une partie de la corres-
pondance de Boris Souvarine, ainsi
que les revues qu’il dirigea
(Le Bulletin
communiste, Le Contrat social, L’Obser-
vateur des deux mondes)
ou auxquelles
il collabora (comme
Ésope, Problems of
communism ou Est &Ouest).
« Souvarine peut dormir
tranquille. Ses collections
sont en de bonnes mains »
À noter
« La Souvarine » est ouverte au public,
et ce tous les jours de 46h à 49h.
Et le matin sur rendez-vous.
Tél. 34 78 47 3: 65).
Bibliothécaire : Virginie Hébrard.
Pour en savoir plus :
La bibliothèque de l’Institut d’Histoire
sociale abrite aussi des études sur Bo-
ris Souvarine et notamment la biogra-
phie que lui a consacrée l’historien
Jean-Louis Panné aux éditions Robert
Laffont en 1993.
Souvarine peut dormir tranquille. Ses
collections sont en de bonnes mains.
Elles ont continué de s’accroître dans
les années qui ont suivi sa mort et
jusqu’à aujourd’hui, comme ont conti-
nué de semultiplier les archives dépo-
sées sur les rayonnages, dans l’esprit
qui était le sien : « La Souvarine » se
veut un lieu de mémoire et de con-
naissance sur le communisme, le
socialisme et le syndicalisme et, au-
delà, un lieuqui permetteune réflexion
sereine et bien documentée sur la vie
politique. Souvarine fut victime du
nazisme (qu’il a toujours dénoncé)
comme du communisme (pour lequel
il s’était engagé dans sa jeunesse). Il a
voulu comprendre l’un et l’autre et
nous donner par là des outils intellec-
tuels utiles en notre temps.
« Il faut
connaître la sinistre histoire d’hier pour
comprendre la tortueuse politique d’au-
jourd’hui et de demain »
,
écrivit-il.
n
© CG92/Jean-Luc Dolmaire