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théâtre
Témoignages
JeaN-louIS MartINellI
«M’aDreSSer au PublIc le PluS
large PoSSIble »
Depuis plus de trente ans, jemets en scène, et après avoir
animé une jeune compagnie, j’ai été amené à diriger
trois théâtres : à Lyon tout d’abord, le Théâtre de Lyon
(1987/1993), le TNS à Strasbourg (1993/2000) et depuis
janvier 2002, leThéâtre des Amandiers.
Et pourtant… Pourtant, j’ai la sensation d’être le même
jeunehommequ’àma premièremise en scène, denourrir
lesmêmes espérances et lesmêmes désirs de théâtre. Ma
vie de metteur en scène s’est inscrite dans l’histoire que
d’illustres aînés ont ouverte : celle de la décentralisation.
Malgré les Cassandre de toutes sortes qui régulièrement
prédisent un désintérêt pour le théâtre, ou la faillite de la
démocratisationculturelle, l’enthousiasmedupublic, àqui
nous proposons chaque saison des traversées d’œuvres
classiques et contemporaines, semble plus vif que jamais.
La confiance nécessaire qui doit s’instaurer entre une
communauté de spectateurs et un théâtre suppose la
durée dont je peux disposer, heureusement, à la tête du
Théâtre des Amandiers. La confiance, seule, permet de
proposer, à côté d’œuvres classiques ou en tout cas large-
ment connues, des travaux d’équipes plus jeunes ou des
textes contemporains. La confiance, qui crée du commun,
est le seul véritable rempart à la loi du marché, qu’il
convient pour autant de ne pas ignorer pour mieux la
combattre. Cette confiance, chaque saison, des specta-
teurs nous lamanifestent, en plus grand nombre.
En ce sens, les objectifs de ladite décentralisation, qui
consistent à offrir, sur un territoire donné (dans notre cas,
Nanterre, lesHauts-de-Seine, et la régionparisienne dans
son ensemble), lemeilleur desœuvres théâtrales, de faire
découvrir de jeunes auteurs, de sensibiliser des publics
amateurs et scolaires…me semblent toujours d’actualité.
Demême, la prétention que nos « théâtres d’art » soient
de véritables théâtres populaires où autrement dit l’on
pratique un art « élitaire pour tous » peut recouvrir les
principes d’action en ce début demillénaire.
Alors que nous sommes soumis, dans nos rythmes per-
sonnels, à une accélération des séquences de vie, et par
ailleurs, à un éclatement des structures communautaires,
le théâtre est ce lieu du vivant qui peut recréer l’assem-
blée à laquelle le temps est donné pour le plaisir du jeu, le
plaisir de la rêverie, de la réflexionde toutes sortes d’émo-
tions dont le théâtre peut être porteur.
J’ai toujours souhaité pouvoirm’adresser au public le plus
large possible. Le théâtre n’est pas réservé à une catégorie
de spectateurs plus avisés que le commun des mortels.
Ceux qui viennent régulièrement auxAmandiers le savent.
Je ne peux qu’inviter ceux qui pour l’instant n’y sont pas
venus à le vérifier.
n
Jean-Louis Martinelli est le directeur du Théâtre des
Amandiers à Nanterre
PIerre aScarIDe
« uN DeS DerNIerS MoHIcaNS »
Je vis du théâtre, je gagne ma vie au théâtre depuis sep-
tembre 1967. Avant j’avais déjà fait des petites choses dans
ce corps demétiermais j’étais encore étudiant en chimie.
Mais depuis cette date, je n’ai jamais occupé un autre
poste de salarié. J’ai, parfois, été très mal payémais c’est
toujours le théâtre qui m’a permis de payer mon loyer.
Je fais partie de cette génération qui n’a pas fait d’école,
qui s’est formé sur le tas, au fil de ses différentes presta-
tions avec différentes équipes.
J’oubliededireque je suis unprovincial ; né et ayant habité
à Marseille jusqu’à 25 ans puis parti dans des aventures
© CG92/Jean-Luc Dolmaire
© CG92/Olivier Ravoire