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Le temps des pionniers
Précurseur, Jean Vilar, le fondateur du Festival d’Avi-
gnon, qui, alors directeur du Théâtre National Popu-
laire (TNP) et en attendant la restitution du Palais de
Chaillot, décide d’aller au-devant du public et investit
dès 1951 le théâtre de Suresnes. Dans sa lettre adres-
sée au maire de Suresnes, Jean Vilar s’exprime ainsi :
« Il entre dansmes intentions de faire duThéâtreNational
Populaire un théâtre qui aille au-devant de son public et
particulièrement des habitants de la très proche banlieue. Je
ne vous cacherai pas que votre salle de spectacle me paraît
pouvoir constituer l’un des plus efficaces " bastions " que,
sur le plan tout pacifique du théâtre, je brûle d’édifier aux
portes de la capitale. »
Créée dans les années trente au milieu de la cité-
jardins, la salle des fêtes de Suresnes permettait
d’accueillir 1 200 personnes. Vilar, souhaitant donner
une autre image du théâtre et l’ouvrir au plus large pu-
blic, y organise les « week-ends artistiques » du TNP
où le public peut découvrir
Le Cid
avec Gérard Philipe,
Mère Courage
de Brecht, participer à une conférence-
dialogue, écouter des concerts de musique contem-
poraine dirigés par le compositeur Maurice Jarre et
partager des moments conviviaux (repas, bals). Ces
week-ends sont l’occasion d’un véritable brassage
social : le Tout-Paris, les militants communistes, les
Suresnois, les critiques et les artistes.
Dans le
PetitManifeste de Suresnes
qu’il écrit à ce propos,
JeanVilar explique son ambition :
« Il s’agit d’apporter à
la partie la plus vive de la société contemporaine, aux
hommes et aux femmes de la tâche ingrate et du labeur
dur, les charmes d’un art dont ils n’auraient jamais dû (…)
être sevrés. »
Sa troupe investit aussi d’autres «bastions »,
à Clichy elle se produit à la Maison du Peuple et à
Gennevilliers dans la salle des fêtes. PourVilar, «
leTNP
est donc, au premier chef, un service public. Tout comme le
gaz, l’eau et l’électricité.
»
Parmi ces pionniers de la décentralisation théâtrale,
l’acteur etmetteur en scène Jacques Sarthou crée dans
les années 50 leThéâtre de l’Île-de-France, d’abord iti-
nérant pour sensibiliser un public nouveau. Ce n’est
qu’une décennie plus tard qu’il s’établira àAntony où il
ouvrira leThéâtre Firmin-Gémier en hommage à son
père spirituel et en souvenir duThéâtreAmbulant. En
1973, il implantera son théâtre à Clichy et Colombes et,
quelques années plus tard, sera lemetteur en scène de
spectacles pour le Festival de théâtre pour les scolaires
des Hauts-de-Seine, l’actuel Jeux de Scène.
Les années 60 : culture toute !
La naissance du ministère des Affaires culturelles
amorce un vaste projet de démocratisation culturelle,
«
rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et
d’abord de la France, au plus grand nombre de Français…
assurer la plus vaste audience à notre patrimoine cultu-
rel… favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit qui
l’enrichissent
»
.
Dès la création du ministère en 1959,
André Malraux, résidant alors à Boulogne, choisit de
privilégier le théâtre qui fait d’ailleurs l’objet de sa pre-
mière conférence de presse et de couvrir le territoire
d’équipements polyvalents de diffusion et de création
artistique. Il confie à Pierre Moinot, son conseiller
technique, futur membre de l’Académie française, la
création d’une direction duThéâtre, de la Musique et
de l’Action culturelle et annonce la création des Mai-
sons de la Culture, cofinancées à parts égales par l’État
© Pierre Grosbois 2010
© Archives départementales des Hauts-de-Seine
© CG92/Olivier Ravoire
« Hier quelques salles des fêtes
et des grands rassemblements
populaires et festifs. Aujourd’hui
230 000 spectateurs, cinq mille
représentations théâtrales dans
l’année et 23 salles de spectacle. »
La scène du
théâtre de
Gennevilliers lors
du spectacle
Une
(micro) histoire
économique du
monde, dansée
,
de Pascal Rambert
et Éric Méchoulan.
Janvier DBCB.
Le théâtre des
Hauts-de-Seine
à Puteaux
vers CJGF