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théâtrales sans beaucoup d’argent. D’abord à Pau, au
Théâtre Populaire des Pyrénées que j’avais créé sans au-
cune expérience, avecVivianeThéophilidès. Après cinq
ans de galères très enrichissantes, jeme suis retrouvé au
Havre avec la jeune équipe duThéâtre de la Salamandre
qui était cornaqué par Gildas Bourdet, j’ai fait un détour
d’une saison ensuite au Théâtre Populaire de Lorraine
avec Jacques Kraemer et Charles Tordjman puis je suis
retourné de nouveau à la Salamandre devenue CDNdu
Nord à Lille. Ce n’estqu’en 1978 que je suis arrivé à Paris
où je ne connaissais personne dans le milieu profes-
sionnel. C’est là que pour ne pas mourir de faim, j’ai
inventé leThéâtre à Domicile qui m’a fait identifier très
rapidement par la profession.
Je suis donc devenumetteur en scène alors que, jusque
là, j’étais, avant tout, comédien. J’ai fait des créations en-
tre 1978 et 1983 avec les scènes nationales de Cergy-Pon-
toise, Montbéliard, les centres dramatiques nationaux
de Sartrouville, Montreuil, la Maison de la Culture de
Bobigny, leThéâtre de l’EstParisien etc…puis en 1983 on
m’a proposé de prendre la dire ion du Théâtre 71 de
Malakoff où je suis depuis le 1
er
janvier 1984 et que je vais
quitter en décembre de cette année.
Malgré toutes les modifications du paysage politique,
sociologique et culturel depuis plus de quarante ans, je
continue à me considérer comme un militant culturel
plus que comme un artiste. Je n’ai jamais envisagé de
gérer une carrière mais plutôt d’être un citoyen témoin
de mon temps. Je fais partie de cette génération qui a
pensé et qui s’est trompé, que le théâtre pouvait contri-
buer à changer le monde et à rendre les hommes meil-
leurs en les faisant réfléchir, ce qui ne veut pas dire en
les faisant s’emmerder, sur leur condition humaine.
Mon passage (long, vingt-sept ans) à Malakoff va me
laisser de très bons souvenirs demes spe acles, des dé-
couvertes d’artistes aussi éminents queWajdiMouawad,
Benoît Lambert, JérômeThomas, Vincent Delerm, Éric
Lacascade pour ne citer que les plus reconnus.
Après plus d’un quart de siècle àœuvrer et défendre l’art
théâtral, l’arrivée de mon successeur va modifier cette
ligne, à tort ou à raison, et introduire une dimension
musicale classique, contemporaine, jazzy…Mais je ne
suis pas le propriétaire duThéâtre 71 et ainsi va la vie.
Je vais reprendrema carrière de comédien. Je joue avec
Benoît Lambert jusqu’en février dans des Musset qui se
joueront en novembre à Malakoff et ensuite je travaille
avecWajdiMouawad dans des Sophocle qui seront créés
au Festival d’Avignon 2011.
En route vers de nouvelles aventures.
n
Pierre Ascaride a été directeur, de 1984 à 2010, duThéâtre 71,
scène nationale de Malakoff. Le nouveau directeur étant
Pierre-François Roussillon.
PaScal raMbert
« toute la VIe, l’art Du tHéâtre,
MoN faNtôMe... »
Ce texte est extrait de « GENNEVILLIERSroman0708 »
(P. Rambert). Aux éditions Les Solitaires intempestifs.
En arrivant à Gennevilliers je ne voulais pas prendre
toute la place. Je trouvais bien qu’on ouvre avec un autre
spectacle que le mien. Je trouvais bien qu’on ouvre un
théâtre avec de la danse, justement. Pareil pour l’argent.
En arrivant à Gennevilliers je ne voulais pas tout pren-
dre pour moi, et ensuite juste accueillir des spectacles
faits ailleurs et donner un peu d’argent à une ou deux
productions. Non. Je l’ai trop vu et en ai trop souffert
pendant vingt ans pour le faire au moment où je di-
rige un théâtre. J’ai dit : «
On divise ?
» Il y a un mon-
tant global pour l’artistique. Alors on divise. Et on s’y
tient. Cette année, je fais une production mais avec
beaucoup de monde. Toute la compagnie bien sûr.
Mais aussi des jeunes danseuses de l’école de danse de
Gennevilliers. Toujours par curiosité, un soir, je me
rends à l’école de danse. Et une fois de plus je vois des
gens. Et une fois de plus j’ai envie d’écrire pour ces gens.
Pour Tapita, 14 ans, Sophonie, 15 ans, Camille, 15 ans,
Emilie. J’ai envie que ces jeunes filles nous rejoignent
car j’aime leur présence brute. J’aime voir ça sur un pla-
teau : de la présence brute. Mais j’écris également pour
le ténor anglais Michael Bennett, rencontré sur l’opéra
de Marc Monnet car je veux que ça chante dans
Toute
la vie
. Et puis aussi je rêve de former un quatuor de très
jeunes interprètes issus de l’école nationale de musique
de Gennevilliers pour jouer Bach. Dont Bernard Ca-
vanna fait la transcription pour violons, alto et violon-
celle. Quand j’écoute des enfants jouer, c’est leur visage
que je regarde. Toute la musique y est. La difficulté de
la musique. Sa joie. Il y a encore des territoires où l’on
ne dissimule pas. Le visage d’un enfant qui joue Bach
en est un.
Toute la vie
, c’est toute la vie de ce person-
nage, « Ah ! » - qui ne dissimule pas non plus -, que l’on
voit naître, grandir, devenir un artiste et mourir. Une
vie en deux heures. Une histoire complexe et limpide :
la vie d’un homme de sa naissance à sa mort et toute
© CG92/Olivier Ravoire
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