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théâtre
Témoignages
la vie qu’il y a entre. Et cela dans les années 2080.
Dans un monde qui ressemble au nôtre sans toutefois
lui ressembler tout à fait pour une raison simple : le
récit de
Toute la vie
débute au moment où l’espèce
humaine est saisie de vertige face au clonage. Faisant
se poser cette fois-ci pour de bon la question : qui
sommes-nous ?
L’Art du théâtre
se joue juste avant
Toute
la vie.
C’est un manifeste. Une façon de dire «
Voilà ce
que j’aime
». C’est une façon de signer un projet. En di-
sant «
Voilà comment je vois mon art. Voilà de quel côté
il est.
» Il donne une direction. C’est un signe. À lui
seul il indique une direction. C’est un signe ? À lui seul
il indique et prépare à comprendre ce que nous ferons
ici. Il pointe une famille. Une réflexion ? Mais c’est aussi
une façon de se moquer de soi. L’acteur qui parle ex-
plique l’art du théâtre à son chien, cocker, qui l’écoute
sans lui répondre, évidemment. Révélant la vanité de
ce que nous entreprenons parfois. C’est avec Lou Cas-
tel. On peut voir
L’Art du théâtre
indépendamment de
Toute la vie
.
Mon fantôme
est pour les enfants. C’est unmoment pour
les enfants. Sous une tente. Sous des couvertures. En
chaussettes et les yeux grands ouverts dans le noir.
Mon
fantôme
je l’ai écrit pourmonfils quand il avait 7 ans. Puis
France Culture l’a réalisé. Et puis je l’ai monté l’année
dernière à Annecy. Cent quarante classes ont vu
Mon
fantôme
en France. Maintenant c’est dans les classes de
Gennevilliers que les enfants comprennent que comme
les artistes, avec souvent pas grand chose, on peut, juste
avec l’imagination, partir très loin à l’intérieur du cadre
d’un tableau, d’une scène, ou d’un écran de cinéma. En
somme, enpetit pour les petits, ce que nous faisons, ici, en
grand, pour les grands. Puis viennent les « vendredis
soir ». Comme je crois qu’on l’aura compris, je prends la
vie et j’amène sur les plateaux. Pour moi, être à Genne-
villiers, c’était écrire avec.Mon projet s’appelait
Écrire en-
semble
. Il n’était pas questionque jeme décharge de cette
tâche d’écrire sur des intervenants extérieurs, comme on
dit, pour animer, comme on dit toujours, des ateliers
d’écriture. Non. Ma joie. Mon plaisir. Ma vie, c’est
d’écrire avec. Avec mes acteurs. Avec les danseurs. De
partager la charge ? Pendant longtemps j’ai écrit seul. Je
suis dans une phase où j’aime écrire à plusieurs. Sur-
tout avec ceux qui disent «
Mais je sais écrire. C’est pas
pour moi. C’est pasma culture. J’oserai jamais. Je parle à peine
le français. Mon prénom, mon origine m’éjectent de vos trucs,
de ces endroits où vous écrivez.
» Justement, c’est à tous ceux-
là, à tous des non-spécialistes, à tous ces hyper timides, à
tous ceux qui disent «
Je sais pasmais je veux bien essayer
»
que j’ouvre en grand les « vendredis soir ». Pendant toute
l’année. Gratuitement. Chaque vendredi. La première
heure on écrit. C’est une des plus belles choses que l’on
voit dans sa vie : dix, vingt, trente, cinquante, cent per-
sonnes qui écrivent ensemble en silence. La deuxième
heure on lit ce qu’on a écrit. Enfin la troisième heure
chacun devient l’acteur du texte de l’un ou le metteur en
scène du texte de l’autre. Ibrahim joue le texte de Colette.
Abdelak met en scène un texte de Jenifer et Jean-Pierre
qui ont écrit un texte queMouss, Katia,Vanessa, Antoine
etAlbert jouent sous la directionde Josée. Etc. Une chaîne
d’écrits. De gestes. De paroles. Demouvements. Pendant
un an. Sans interruption. Pour tout rassembler en juin et
montrer le parcours effectué lors du festival Les Très
Jeunes Créateurs Contemporains. Sur les deux plateaux
enfin réunis.
n
Pascal Rambert est, depuis 2007, directeur duThéâtre
de Gennevilliers, Centre Dramatique National de Création
Contemporaine.
© Marc Enguérand
Michel Piccoli dans
Le Conte d'hiver
de
William Shakespeare
au théâtre
des Amandiers.
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