revueculturellen4 - page 86-87

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n avril 1929, plusieursmois avant
la crise économique mondiale, Albert Kahn, banquier
et grandmécène, a le souci de pérenniser ses fondations
: bourses de voyage pour jeunes diplômés, Archives de
la Planète, chaire de géographie humaine au Collège de
France, société Autour du monde, laboratoire de biolo-
gie, Comité national d’études sociales et politiques, cen-
tres de documentation dans les Écoles normales
supérieures. Par acte notarié, il les place sous la respon-
sabilité de l’université de Paris. C’estdéjà à cet organisme
qu’il s’était adressé plus de trente ans auparavant, en 1898,
pour assurer son premiermécénat, les bourses de voyage
Autour du monde. En effet, pour Albert Kahn, l’univer-
sité est l’échelon supérieur d’une éducation dans laquelle
il croit pour transformer le monde et permettre une paix
durable. Il dote donc l’Université d’une forte somme d’ar-
gent et l’assure d’un capital très important après sondécès.
L’opération porte le nomde Centrale de recoordination
et ne concerne pas ses splendides propriétés privées si-
tuées à Boulogne-Billancourt et au Cap Martin dans les
Alpes-Maritimes.
1936 : le Département de la Seine
adjudicataire
Albert Kahn connaît ses premières difficultés écono-
miques en 1930 et contracte un prêt hypothécaire garanti
par sa propriété de Boulogne-Billancourt, divisée en 23
lots. En 1932, il dénonce la saisiemais vend quelques im-
meubles et continue à soutenir l’une ou l’autre de ses fon-
dations. Ses créanciers s’impatientent et l’assignent en
justice. Conscients du danger de disparition imminente
des fondations de leur mécène, les membres les plus
influents de la sociétéAutour dumonde (le plus souvent
des anciens boursiers) alertent alors le président du
Conseil, André Tardieu, et demandent une importante
subvention gouvernementale ou bien la reprise des fon-
dations par un organisme officiel, l’Université en
l’occurrence. L’État ne répond pas en ce qui concerne
l’ensemble des fondations. Les amis d’Albert Kahn s’in-
quiètent aussi du risque de morcellement des jardins,
d’autant que la propriété de Boulogne fait alors l’objet de
deux adjudications, en 1933 et 1934. La municipalité de
Boulogne-Billancourt n’a pas lesmoyens d’acquérir seule
les lots proposés. Le Département de la Seine (qui cou-
vre à l’époque Paris et les actuels départements limi-
trophes) estdéclaré adjudicataire le 26mars 1936 ; s’ajoute
une participation de la direction générale des Eaux et
Forêts pour environ le dixième des lots et celle tout à fait
minime de la municipalité de Boulogne. Albert Kahn
attaque en vain cette décision.
1937 : ouverture au grand public
Le Département de la Seine décide alors, avec l’aide des
Eaux et Forêts, de faire connaître les jardins à l’occasion
de l’Expositionuniverselle de 1937 et de les ouvrir augrand
public, alors qu’auparavant la visite s’effectuait sur invi-
tation personnelle d’Albert Kahn. À la suite des difficul-
tés financières du banquier, le site avait souffert d’un
manque d’entretien. L’administration départementale se
charge de remettre en état les bâtiments des jardins : le
temple, la pagode, les maisons japonaises, le jardin d’hi-
ver et les diversesmaisons. Les Eaux et Forêts se chargent
des jardins avec le concours d’anciens salariés d’Albert
Kahn. Pierre Randet, ingénieur des Eaux et Forêts, chargé
du site, amême témoigné
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que l’avis de l’ancien proprié-
taire pouvait être sollicité.
Les Archives de la Planète, une œuvre
contre l’oubli
LeDépartement décide de valoriser aussi lesArchives de
la Planète, fonds de photographies en couleur sur plaque
de verre (autochromes) et de films, constitué pour Albert
Kahn, essentiellement entre 1910 et 1931, et conservé dans
un bâtiment dédié du site. Il embauche en 1936 Georges
Chevalier, ancien opérateur et responsable du laboratoire
des Archives de la Planète, qui vivait sur le site en pour-
suivant son travail de laboratoire bénévolement. Il a
désormais officiellement la charge d’achever le dévelop-
pement chimique des nombreuses plaques autochromes
(d’après un registre de 1938, 24 000 plaques seulement
sur 72 000 sont « terminées ») et de continuer à prendre
des clichés (Exposition internationale de 1937, propriétés
© Musée Albert-Kahn – Département des Hauts-de-Seine – Collection M. Magné de Lalonde
© Musée Albert-Kahn – Département des Hauts-de-Seine – Collection M. Magné de Lalonde
Après un demi-siècle
de tribulations, la valeur
des collections et des jardins
est pleinement reconnue
par les pouvoirs publics
et par des visiteurs toujours
plus nombreux
Marguerite Magné
de Lalonde
secondera Georges
Chevalier. 1937.
© Musée Albert-Kahn – Département des Hauts-de-Seine
Isobel Graziani
© Musée Albert-Kahn – Département des Hauts-de-Seine - Isobel Graziani
BoulogNe
Évocation
Georges Chevalier,
ancien opérateur,
aura pour mission
de développer
les plaques
autochromes.1937.
Ancienne et nouvelle boîte
de conservation de
plaques autochromes.
L’ancienne
et la nouvelle salle
de conservation des
plaques autochromes.
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