revueculturellen4 - page 96-97

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noRvège
LE FJORD DE NOERÖF
L
e 13 août 1912, le photographe Auguste Léon
accompagne Albert Kahn dans un voyage de dix
jours en Norvège. Un autre photographe, Anders
Beer Wilse, est mobilisé comme guide pour accompa-
gner les deux français. Ce dernier, en observateur at-
tentif de la vie, humain et malicieux, a laissé un journal
bref et émouvant sur le périple du banquier français
1
. Or
cette rencontre entre Kahn, l’homme qui a entrepris
depuis deux ans de réunir ce qui sera l’une des plus im-
portantes collections d’images au monde, les Archives
de la Planète, et le photographe norvégiendépasse l’anec-
dote. Car A.B. Wilse lui aussi va devenir une gloire dans
son pays. Bien que travaillant en noir et blanc, sa dé-
marche photographique s’apparente fortement à celle
des Archives de la Planète.
Albert Kahn s’intéresse à la Norvège pour les Archives
mais aussi pour ses affaires. il représente la branche fran-
çaise d’un consortium qui, associé à des fonds suédois,
a investi dans la production d’engrais artificiels, à travers
la compagnie
NorwegianHydro-Electrical Nitrogen Com-
pany
, (la
Norsk Hydro
en abrégé).
Cette visite d’Albert Kahn est symbolique de l’intérêt
récent qu’offre le marché norvégien. Le pays a accédé à
l’indépendance de la tutelle suédoise en 1905 et a choisi
la formemonarchique. Son émancipationpolitique ouvre
alors la voie au développement économique accéléré.
Cette révolution industrielle est rendue possible grâce
aux techniques nouvelles, telle l’exploitation de l’énergie
hydro-électrique dont la Norsk Hydro est l’un des fleu-
rons et la Norvège aujourd’hui encore l’un des princi-
paux exploitants, et grâce aux capitalistes étrangers qui
investissent dans ces nouvelles technologies, dontAlbert
Kahn est un représentant éminent.
Hier comme aujourd’hui, les eaux calmes du fjord de
Noeröf ne reflètent pas l’impact de la modernité intro-
duite dans la société norvégienne, ni dans la société tra-
ditionnelle rurale à l’époque d’Albert Kahn, ni dans la
société urbaine contemporaine durement ébranlée par
unmassacre en juillet 2011 au cœur de la capitale. Un pa-
radoxe pour ce pays dont les paysages sauvages, entre
neige et rocs, inspirèrent le déisme du pacifiste Albert
Kahn ; un paradoxe pour le pays qui décerne chaque
année le prix Nobel de la Paix.
1Texte porté à la connaissance dumuséeAlbert-Kahn en 2010 parM.Trond
Bjorli, conservateur du Norsk Folkemuseum - musée norvégien d’histoire
culturelle, Oslo.
G
ILLES
B
AUD
-B
ERTHIER
responsable de la conservation des Antiquités et Objets d’art des
Hauts-de-Seine
albert-kahn
Chronique de l’œil
Panorama du
village et du
Noeröfjord,
Gudvanger,
Norvège,
Auguste Léon,
8: août 8<87.
Musée Albert-Kahn
© Musée Albert-Kahn – Département des Hauts-de-Seine
L’université d’Oslo
et le musée norvégien
d’histoire culturelle
(Norsk Folkemuseum)
ont organisé à Oslo
en septembre dernier
le premier colloque
international d’histoire
consacré à Albert
Kahn. Des universités
de Norvège, d'Alle-
magne, des Etats-Unis
et de France étaient
représentées.
Le colloque a reçu
le soutien notamment
de l’Institut français
d’Oslo et de l’ambas-
sade de France en
Norvège.
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