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histoire
Clichy
bilité de faire toutes ses occupations
ménagères, la tenue de son foyer, ses enfants
en souffriront : avenir demaman gravement
compromis. Impossibilité de travailler aussi
à moins d’une rééducation professionnelle
et encore ! Il fallait intervenir : Jeanne, après
avoir créé une atmosphère justement reven-
dicative dans son atelier est intervenue
deux jours plus tard auprès du délégué du
personnel en le priant de faire une démarche
auprès du patron pour l’arrêt des machines.
Il a refusé. Les ouvrières par lettre signée
d’elles toutes, certifiant l’authenticité du fait,
ont délégué Jeanne pour intervenir direc-
tement au Syndicat chrétien (branche de la
métallurgie). Jeanne y alla exposer le fait. Le
Syndicat fit intervenir l’Inspection du travail.
Maintenant un timbre retentit dans l’atelier
pour signaler l’arrêt des machines à l’heure
du nettoyage. Jeanne s’est ensuite renseignée
sur la rééducation professionnelle (…).Mars
1939 »
L’action revendicative a très tôt privilégié
les revendications qualitatives (condi-
tions de travail, améliorationde l’appren-
tissage, surveillance accrue de la santé
des jeunes…), ce qui la rend très nova-
trice. Cette action a mis la J.O.C. dès sa
création en difficulté avec la C.F.T.C.,
même si l’itinéraire de nombreux mili-
tants montre les passerelles entre les
deuxmouvements.
Spiritualité jociste
Dès son premier congrès, les bases de la
spiritualité jociste sont énoncées. Cette
spiritualité est principalement christo-
centrique, faite de la fierté et de l’hon-
neur d’être ouvrier (chant jociste
Sois fier
ouvrier
). L’image d’un Christ ouvrier
s’impose. Mais cette spiritualité va plus
loin en s’efforçant de rendre chrétiennes
les conditions de travail :
«Avant de faire
des chrétiens dans les ateliers, il faut faire
des ateliers chrétiens »
. Sur le plan sacra-
mental, la spiritualité jociste est nova-
trice dans la mesure où elle introduit la
langue française dans les célébrations
(chants, demandes, offrandes, etc.) réser-
vant le latin aux seules paroles du prêtre
et aux réponses de l’assistance et ce, bien
avantVatican II.
Organisation
L’organisation de la J.O.C. repose sur la
section qui s’étend le plus souvent à
une paroisse. La section, animée par
un comité, est composée d’équipes de
quartier. Les membres de la section se
retrouvent fréquemment en Cercle
d’études (C.E.) qui ne se veulent pas le
prétexte à des exposés théoriques, mais
au contraire le lieu d’échanges sur les
conditions de vie et les mentalités des
personnes dumilieu dans lequel évolue
le jociste (rue, atelier, famille, localité).
Afin d’habituer les participants à porter
un jugement sur ce qu’ils ont constaté
et non sur des idées préconçues, les
membres des cercles d’études se livrent
à des enquêtes (vie matérielle et morale
du jeune travailleur,…). Certaines de ces
enquêtes donnent lieu annuellement à
une campagne nationale par affiches,
tracts, presse (campagne pour la sécu-
rité du travail, 1930 ; pour le retour de la
mère au foyer, 1931 ; pour unemeilleure
occupation des loisirs, 1933 ; contre le
chômage, 1934 ; pour l’apprentissage et
l’orientation professionnelle, 1936 ; pour
la 3
e
semaine de congés payés pour les
jeunes, 1938-1939).
Les sections jocistes sont regroupées en
fédérations, animées chacune par un
comité fédéral. Les représentants des
fédérations forment le conseil national
de la J.O.C. appelé également fédération
nationale. Le conseil choisit parmi ses
membres des représentants destinés à
siéger au comité exécutif qui assure
collégialement la direction du mouve-
ment et désigne un secrétaire général.
Le secrétariat général assurant la respon-
sabilité de l’ensemble du mouvement,
est composé de l’aumônier général
(Georges Guérin jusqu’au mois de juin
1950) et de ses adjoints, ainsi que des
permanents dumouvement.
Cette organisation est complétée, au
niveaunational, par des services destinés
à répondre à des besoins spécifiques à
partir de 1931 : pré-jocistes, service des
soldats, service des loisirs, de protection
du travail, service des malades.
Essor
Si le 1
er
octobre 1926, seulement environ
70 jeunes avaient assisté à la 1
re
réunion
à Clichy, ils sont déjà 3 500 à participer
au 1
er
congrès le 18 novembre 1928 et
40 000 en séance d’études le 17 juillet
1937 au congrès du 10
e
anniversaire au
Vélodrome d’hiver. Des deux foyers
d’origine de la région parisienne et
du Nord, la J.O.C. s’est répandue sur
l’ensemble du territoire totalisant en
1938, 132 fédérations, 2350 sections et
45 000membres !
Les relais de la J.O.C. sont puissants sur-
tout à travers sa presse avec notamment
La Jeunesse ouvrière
dont la vente à la criée
permet de revendiquer haut et fort son
appartenance au mouvement dans des
milieux parfois hostiles. Prolongement
naturel de ce travail de reconquête du
milieu ouvrier, la création d’unemaison
d’édition en 1929 sous l’appellation de
La
Librairie de la Jeunesse ouvrière
qui devient
en 1939
Les Éditions ouvrières
.
Au-delà des chiffres, les jocistes ont
irrigué et enrichi la vie sociale et poli-
tique française ; la J.O.C. école de l’enga-
gement a formé bien des cadres asso-
ciatifs, syndicaux ou politiques.
Citons pourmémoire, FernandBouxom,
l’un des tout premiers fondateurs de la
J.O.C., dont la carte provisoire porte le
numéro 1. Il devient le secrétaire général
dumouvement de 1934 à 1938, puis après
guerre, député de la Seine de 1946 à 1958
(5
e
circonscriptiondelaSeine).Devenuvice-
président de l’Assemblée nationale il est
l’un des créateurs en 1958 des assurances
chômage (Assedic). D’autres militants
engagés dans la Ligue Ouvrière Chré-
tienne, prolongement de la J.O.C. créée
en1935, se sontillustrés, tel RobertPrigent,
un des instigateurs du vote des femmes.
Il a également participé à la création du
Mouvement Républicain Populaire et a
été plusieurs foisministre.
«Cesaffiches représentativesdesannées
30, 40et50, sont conservéesauxArchives
départementalesdesHauts-de-Seine. »
BIBLIO
Les archives de la J.O.C. et de la J.O.C.F. sont déposées
aux Archives départementales des Hauts-de-Seine et
sont communicables après accord du déposant (à
demander auprès de Madame la Secrétaire générale
de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, 246 boulevard
Saint-Denis, 92403 Courbevoie Cedex).
Éric Belouet
,
Itinéraires militants d'ouvriers chrétiens :
pour une approche prosopographique des cadres de la
JOC-JOCF (1927-1968)
, in
Cahiers d'histoire
, n°69, 4
e
trim. 1997, p. 89-105
Gérard Cholvy
,
Histoire des organisations et
mouvements chrétiens de jeunesse en France (XIX
e
-
XX
e
siècle)
, Paris, Les Éditions du Cerf, 1999, 419 p.
Jean-Pierre Coco, Joseph Debès
,
1937, l’élan jociste
,
Paris, Les Éditions ouvrières, 1989, 183 p.
Joseph Debès, Émile Poulat
,
L’appel de la J.O.C. (1926-
1928)
, Paris, Les Éditions du Cerf, 1986, 292 p.
Michel Launay, Pierre Pierrard, Rolande Trempé
,
La
J.O.C. Regards d’historiens
, Paris, Les Éditions
ouvrières, 1984, 235 p.
Pierre Pierrard,
Georges Guérin : une vie pour la JOC
,
Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1997, 320 p.
« La démarche se veut très pragmatique
en partant des réalités rencontrées sur
le terrain et qui font l’objet d’enquêtes »
©ArchivesdépartementalesdesHauts-de-Seine
©ArchivesdépartementalesdesHauts-de-Seine
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