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boulogne
Regards
récente desmodes d’enregistrement du réel par l’image
et à la croyance issue du positivisme dans l’obje ivité de
ces représentations.
Avec le développement et l’institutionnalisation des
sciences humaines, ce cara ère indiciaire prêté à la
photographie est rapidement remis en cause. La photo-
graphie n’apparaît plus comme un enregistrement neutre
mais comme une image construite. La photographie
témoigne de lamanière du photographe de percevoir et
de construire lemonde. Entre volonté de traduire l’altérité
et le fait de formaliser son propre regard, cette rencontre
entre subje ivités estd’ailleurs fondatrice de la démarche
photographique, proche d’un regard ethnologique.
À la croisée des deux registres, les photographes présentés
au musée, dans le cadre du festival
La Mongolie au fil du
présent
, écho à l’expositionprésentant lesmatériaux réunis
par Stéphane Passet en 1912, s’inscrivent dans l’affir-
mation d’une écriture photographique étayée par une
intelligence documentaire.
Ruptures politiques et économiques
Le destin de la Mongolie, sous domination chinoise
depuis le XVII
e
siècle, bascule en 1911 après l’abdication
du dernier empereur de la dynastie des Qing. Pour la
Mongolie intérieure, à l’ère mandchoue succède l’ère
chinoise. La Mongolie extérieure acquiert quant à elle
son indépendance. Stéphane Passet enregistre l’image
de cette société enmutation, consignant les témoignages
de la créationd’Urga qui demodeste campement devient
un important centre de pèlerinage.
En 1924, la Mongolie devient la première république
populaire satellite de l’URSS. Les convi ions anticléri-
cales combinées aux logiques urbaines de ce nouveau
régime conduisent alors à la destru ion de la grande
majorité des monuments photographiés par Passet.
Le travail présenté dans les jardins du musée témoigne
d’une autre rupture, intervenue soixante-dix ans plus tard,
à la suite de la sortie de la Mongolie de l’ère soviétique.
Cette période estmarquée par la brutale transformation
de la vie politique et la difficilemise enplace d’un système
démocratique, vite assimilé par de nombreux Mongols
au libéralisme. L’entrée rapide dans l’économie de
marché, accompagnéede l’applicationd’unmodèleurbain
occidental, a généré une transformation rapide du tissu
urbain, une redéfinition du rapport ville/campagne et
le creusement du fossé entre les classes sociales. Paral-
lèlement, le sentiment national s’est focalisé sur des
éléments aussi divers que l’habit traditionnel (le
deel
),
a
utrefois documents d’a ualité,
témoignant de la transformationdes différentes cultures
auprès de l’élite intelle uelle nationale et internationale,
les Archives de la Planète constituent aujourd’hui des
documents d’histoire qui nous informent sur la démarche
scientifique et le paysage idéologique qui en sont à
l’origine. L’aventure desArchives de la Planète estprofon-
dément inscrite dans son époque, ses préoccupations,
ses utopies…La démarche scientifique s’incarnait alors
dans un processus de sauvegarde de formes culturelles
menacées par l’expansion des mondes industriels.
Ce projet est aujourd’hui anachronique. Davantage que
la consignation de cultures vouées à la disparition, les
observateurs s’intéressent désormais aux régimes de
produ ion de l’identité de sociétés nécessairement en
conta . Au gré des échanges, les cultures apparaissant
comme un tissage complexe de relations, au sein
« d’un
village global »
. Pour le sociologue Edgar Morin,
« il faut
compléter la pensée qui sépare par une pensée qui relie »
et
prendre en compte la complexité d’un monde aux
contours sans cesse mouvants
Rencontre entre subjectivités
À l’époque d’Albert Kahn, l’utopie d’un« recensement du
monde » est devenue possible avec l’apparition encore
la figure héroïque de Gengis Khan, le bouddhisme et
le chamanisme, le pastoralisme nomade et les grandes
steppes.
À cette transition économique, politique et sociale, sont
venues s'ajouter des conditions climatiques très éprou-
vantes depuis 2000. Les conditions de vie des éleveurs
ont provoqué un exode rural massif. Le pays connaît le
chômage, l'extrême pauvreté, les inégalités criantes et
la faim. Plus d'un tiers de la population vit aujourd'hui en
dessous du seuil de pauvreté.
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Quatre regards actuels
C’est cette histoire, située sous le signe de la rupture et
du changement brutal, que nous racontent les quatre
photographes exposés.
Sophie Zénonnous enpropose une double le ure : d’une
part un voyage initiatique au cœur des steppes, guidée
par une écriture presque intime ; de l’autre, un regard
« clinique », résolument documentaire sur la complexité
d'Oulan-Bator. Cette seconde partie de son travail apparaît
Autochrome de
Stéphane Passet.
Groupe de lamas près
des stupas situés en
bordure de Gandan,
Ourga, juillet 1913.
comme une tentative de distanciation, à travers une ville
dénuée de présence humaine où elle accorde toute son
attention à l’organisation physique, s’apparentant à un
véritable travail de géographe. On peut lire les effets de
la mondialisation à travers un dispositif visuel articulé
autour d’un axeOuest / Est, le long de l’avenue de la Paix.
Cet axe principal existait déjà du temps de Gengis Khan,
à l'époque où la ville, qui s’appelait alors Urga, s’était
fondée autour de plusieursmonastères bouddhistes. Ce
travail permet d’analyser l’organisation archite urale et
les politiques urbaines a uelles ainsi que les effets rapides
de la mondialisation sur la topographie.
La démarche photographique développée par Lucile
Chombart de Lauwe se fonde également sur une pratique
de terrain. Trois longs séjours lui ont permis de
s’immerger dans ce pays en transition, bien loin de
l'image d'Épinal des grandes steppes. Accueillie par des
familles aux positions sociales et aux situations d’habitat
© Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine
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Linda Gardelle,
Pasteurs nomades de Mongolie, des
sociétés nomades et des états
, Buchet Chastel, 2010
« La réactualisation des Archives
de la Planète, c’est le passage de
l’inventaire à la rencontre. »
Oulan-Bator. Le quartier
des « yourtes-villes ».
Sophie Zénon.
© Sophie Zénon
