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histoire
Clichy
La Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.) a été fondée en France le 1
er
octobre 1927
à Clichy à l’initiative de l’abbé Guérin. Les Archives départementales conservent
les documents de ce mouvement d’action catholique au rayonnement national et
international.
a J.O.C. naissante répond à une
absence, celle de l’Église dans le
monde ouvrier.
« Avec la J.O.C. c’est
la classe ouvrière qui entre dans
l’Église »
(Michel Launay), car jusque-là la
questionouvrière ne fait pas partie des préoc-
cupations de l’Église. L’ActionCatholique de
la Jeunesse Française (A.C.J.F.) fondée en
1886 par Albert deMun a tenté de s’emparer
du sujet, mais de l’extérieur, car l’A.C.J.F.,
regroupant essentiellement des étudiants, a
du mal à se départir du
« dévouement des
classes élevées aux classes laborieuses »
.
La tentative de création de commissions
ouvrières échoue et la J.O.C. française se
développe rapidement comme branche
autonome et spécifique de l’A.C.J.F. Elle
devient le seul mouvement de jeunesse
ouvrière à la suite de l’accord du 21 septem-
bre 1927 auquel aœuvré le chanoine Gerlier,
ancien président de l’A.C.J.F et responsable
des Œuvres auprès du cardinal Dubois,
archevêque de Paris. Enfin, la J.O.C. accède à
une complète indépendance en prenant la
forme juridique d’une association à but non
lucratif (loi du 1
er
juillet 1901) dont les statuts
sont déposés le 5 mars 1937. Elle continue
néanmoins à être représentée dans les
organes de l’A.C.J.F. jusqu’à la disparition de
cette dernière en 1956.
Actions et objectifs
La J.O.C. est un mouvement d’Église, mais,
spécificité de cemouvement qui inspirera les
autres mouvements spécialisés, les prêtres
qui en sont les aumôniers ne le dirigent pas
mais l’accompagnent. Elle regroupe des
jeunes de 14 à 25 ans issus de milieux popu-
laires (employés, ouvriers) et demeure jusqu’à
nos jours un mouvement de jeunes dirigé
par des jeunes. Partant du constat de l’aban-
don du message de l’Église dans le milieu
ouvrier, l’une des originalités de la J.O.C.
réside dans sa démarche originelle qui
consiste à pratiquer l’apostolat du semblable
par le semblable. Elle rompt en cela avec la
démarche traditionnelle de l’A.C.J.F. et ouvre
la porte à la création des autresmouvements
d’action catholique spécialisée de la jeunesse
(Jeunesse Agricole Catholique, Jeunesse
Étudiante Chrétienne, etc.).
La J.O.C. se définit rapidement comme un
«mouvement de conquête de la classe ouvrière»
,
L
la suscription du
Bulletin mensuel des
dirigeants
le proclame haut et fort :
« En
avant ! Nous referons chrétiens nos frères »
.
Selon la belle expression de l’abbé
Guérin,
« par la J.O.C., l’Église doit être
indigène en classe ouvrière »
. Cependant,
l’action de la J.O.C. ne se limite pas à ce
simple aspect puisqu’elle se veut une
école de la vie,
« non pas artificielle (…)
mais essentiellement une école d’appren-
tissage de jugement, de mentalité, de
conduite »
( Joseph Cardijn). Il s’agit
notamment de lutter contre les poisons
qui intoxiquent les jeunes travailleurs
(loisirs licencieux, image dévalorisée de
la femme, etc.).
La démarche se veut très pragmatique
en partant des réalités rencontrées sur le
terrain et qui font l’objet d’enquêtes. Ces
enquêtes doivent aboutir à l’accomplis-
sement de la pédagogie jociste résumée
dans la formule :
« voir, juger, agir »
.
Le
voir
s’incarne dans la démarche
d’enquête. À partir de 1933, le jociste doit
avoir un carnet où il consigne les carac-
téristiques de son environnement de
p
« Avant de faire des chrétiens
dans les ateliers, il faut faire
des ateliers chrétiens »
LE FONDATEUR, L’ABBÉ GEORGES GUÉRIN, VICAIRE À CLICHY
Georges Guérin (24 octobre 1891 - 15 mars 1972) naît en Lorraine dans le
village d’Écrouves-Grandménil près de Toul. Sa famille originaire de l’Orne
s’y est installée pour diriger une usine de scierie et galocherie. Son père
quitte, dès la naissance de Georges, le monde agricole, devient employé de
banque, s’installe à Saint-Mandé, puis, dès 1893 à Paris (11e). Georges Guérin
effectue sa scolarité auprès des Frères des Écoles Chrétiennes. Après ses
études, il devient tour à tour ouvrier dans une usine chimique puis employé
de bureau. Dès 1909 il participe au Sillon de Marc Sangnier, précurseur de
la démocratie chrétienne, et en 1912, quelques mois avant son service
militaire, découvre sa vocation et s’oriente vers le sacerdoce. La guerre suspend son entrée au séminaire
; blessé à deux reprises, c’est lors d’une hospitalisation de longue durée à Dijon qu’il fait la connaissance
du père jésuite Achille Danset avec lequel il se lie. Entré au grand séminaire d’Issy-les-Moulineaux en
1918 à l’âge de 28 ans, Georges Guérin est nommé vicaire à Clichy en juillet 1925 dans la paroisse Saint-
Vincent-de-Paul. Animé par une profonde préoccupation sociale, il est plus particulièrement chargé des
œuvres pour les garçons et prend conscience du sort des apprentis qui, dès l’âge de 13 ans, passent
directement de l’école au travail. Lors d’une visite au père Achille Danset à l’Action Populaire à Vanves,
il découvre les publications de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne belge (J.O.C.), fondée en 1925 par le Père
Joseph Cardijn. Il présente alors ces documents à un groupe de jeunes gens animé par Georges Quiclet,
ouvrier dans une usine de savon et militant à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens
(C.F.T.C.). Le 1
er
octobre 1926 se tient une première réunion dans la salle du patronage de la paroisse au
7 rue du Landy. La section de Clichy est a liée en avril 1927 avec lematériel (insignes, cartes, bulletins)
fourni par la J.O.C. belge et en juillet 1927 la 1
re
journée d’études se déroule, rassemblant 200 militants
en présence du chanoine Gerlier, futur cardinal. Le mouvement ne reste pas uniquement masculin
puisqu’à l’initiative de Jeanne Aubert, dactylo-facturière dans la même entreprise que Georges Quiclet,
une section féminine voit le jour à Clichy en 1928. Jeanne Aubert devient secrétaire générale du
mouvement féminin, poste qu’elle occupe jusqu’à la guerre.
travail, les faits et gestes qui ont attiré son
attention. Le
juger
s’exprime dans les
Cercles d’études au milieu desquels le
jociste expose les faits qui l’ont le plus
marqué. Les participants recherchent
alors ensemble les causes des problèmes
soulevés lors de débats parfois agités.
L’action
est le dernier élément du trip-
tyque. Ainsi, le recueil
Jocisme français
,
1927-1939 relate dans sa partie consacrée
à l’action féminine les faits suivants :
« Une section nous écrit :
Dans l’usine B, les machines sont cons-
tamment nettoyées en marche : une jeune
travailleuse de 18 ans vient d’avoir la main
sectionnée, mais le contremaître n’a toujours
pas donné d’ordre pour que les machines
s’arrêtent pendant le nettoyage. Jeanne U.
chef d’équipe a noté ce fait. En réunion de
chefs d’équipe nous l’avons jugé. Cette jeune
travailleuse sera plus tard dans l’impossi-
©ArchivesdépartementalesdesHauts-de-Seine
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e
anniversaire de la
J.O.C. en 1937 au Parc
des Princes. Défilé des
mille deux cents
drapeaux et bannières.
JEUNESSE OUVRIÈRE
CHRETIENNE
Par FrédéricDouat
Adjoint au directeur desArchives
départementales
nAissAnce et essor, 1927-1939
,
©KeystoneFrance
1...,74-75,76-77,78-79,80-81,82-83,84-85,86-87,88-89,90-91,92-93 96-97,98-99,100-101,102-103,104-105,106-107,108-109,110-111,112-113,114-115,...122
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