Vallée de la Culture n°10 - page 97

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© Philippe Sébert
De la Vallée-aux-Loups à l’Île Verte
JeanFautrier estarrêté dans son atelier parisien en janvier
1943. Interrogé par laGestapo, puis relâché quelques jours
plus tard, grâce àArno Breker prévenu par Jeanne Castel,
il se réfugie en Haute-Savoie, au col de Volza, où ses
conditions de vie sont très difficiles. Il cherche alors un
refuge près de Paris. Par l’entremise de Paulhan, dont il
est devenu proche depuis un ou deux ans, les proprié-
taires de la Vallée-aux-Loups lui offrent donc un abri
sûr et un atelier où il peut peindre et dessiner, dès le
printemps 1943. Il y demeure quelque temps, y revient
au printemps suivant et pendant l’hiver 1944-45, puis
régulièrement jusqu’à son installation définitive en
septembre 1945 dans l’ancienne propriété de Jules Barbier,
aujourd’hui rebaptisée l’Île Verte. Une autre excellente
raison pousse Fautrier à revenir à laVallée-aux-Loups, il
y retrouve en effet sa future compagne Jeanine Aeply, la
fille de la nouvelle dire rice administrative de lamaison
de santé, Yvette Aeply.
L’exposition des
Otages
a lieu en o obre-novembre 1945
à la galerie René Drouin à Paris, suscitant des réa ions
contrastées, de l’admiration à l’incompréhension la plus
totale. Plusieurs de cesœuvres avaient été réalisées avant
le premier séjour de l’artiste à laVallée-aux-Loups, proba-
blement dans l’atelier du boulevard Raspail, mais la série
prend son sens définitif à partir de ce moment-là.
Plusieurs fa eurs contribuent à faire de ces œuvre une
sériehomogène et cohérente : le voisinage avec unancien
et premier lieu d’exécutions nazies, le bois de l’Orme
Mort, la proximité d’autres « hors-la-loi », juifs, réfrac-
taires et résistants, cachés comme lui à la Vallée-aux-
Loups, peut-être aussi la menace répétée qui pesait sur
son hôte, le Dr Le Savoureux, d’être pris comme otage.
Jean Paulhan sur le site des exécutions
L’occasion est fournie de faire le point sur le contexte
historique précis de la réalisation des
Otages
à laVallée-
aux-Loups. En dépit de ce qui a parfois été avancé,
Fautrier n’a pu ni voir, ni entendre, les exécutions du bois
de l’Orme Mort. À partir de la fin août 1941, celles-ci
avaient lieu au Mont Valérien. Une lettre du maire de
Châtenay au préfet de la Seine, datée du 1
er
o obre 1941,
confirme que les exécutions avaient cessé depuis
plusieurs semaines. D’autres moins fréquentes furent
certainement perpétrées sporadiquement à laVallée-aux-
Loups jusqu’en 1942 comme l’indiquait la borne commé-
morative en place jusqu’à la tempête de 1999. Sans doute,
des coups de feu ont parfois troublé les environs de la
clinique pendant les séjours de l’artiste, les archives de la
police parisienne mentionnent notamment la capture
Autour de Jean Fautrier, on rencontre
Jean Paulhan, Francis Ponge, André
Malraux…
© Musée du Domaine départemental de Sceaux - Adagp 2014
© Pascal Lemaître/Musée du Domaine départemental de Sceaux – Adagp 2014
Otage
, 1942.
Encre bleue à
la plume sur papier,
22,5 x 12,8 cm.
Otage
, 1943.
Huile sur papier
marouflé sur toile,
27 x 22,5 cm.
1...,87,88,89,90,91,92,93,94,95,96 98,99,100,101,102,103,104,105,106,107,...124
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