Châtenay
Étude
Jean Fautrier à la vallée-aux-loups (1943-1944)
La genèse
Gisèle Caumont
Chef du service conservation de la Maison de Chateaubriand
La Vallée-aux-Loups offre dès le printemps 1943 à Jean Fautrier
un abri sûr et un atelier où il peut peindre et dessiner. De ce lieu
naîtra la série des
Otages
, uneœuvre tourmentée,
« tentative pour
décharner la douleur contemporaine »
, selonMalraux.
C
’est Jean Paulhan qui servit de média-
teur pour procurer à Fautrier à la fois une cachette sûre et un
atelier où travailler. Familier de la Vallée-aux-Loups depuis le
milieu des années 20, collègue du do eur Le Savoureux au
conseil municipal de Châtenay-Malabry entre 1935 et 1941,
l’écrivainétaitaussimembrede laSociétéChateaubriand. Il résida
dans la maison de repos appartenant au médecin à plusieurs
reprises et après son déménagement à Paris, rue desArènes, en
novembre 1940, il continua à y venir pour des rencontres semi-
clandestines avec des amis ou des complices en Résistance.
Dès l’automne 1941, il se rapprocha du critique d’art Félix Fénéon
qui, comme sa compagne Camille Platteel, y séjournait déjà.
De leurs rencontres naquit l’ouvrage,
F. F. ou le critique
, prati-
quement fini à l’automne 1943, puisque le texte fut publié en
novembre dans la revue clandestine éditée à Lyon,
Confluences
.
Déjà très âgé etmalade, Fénéon s’éteignit à laVallée-aux-Loups
le 29 février 1944.
Paulhan, généreux, aime à partager ses admirations. À Fénéon
qui ne quitte plus son lit, il prête dessins et tableaux de Fautrier.
Alors que le peintre travaille à ses
Otages
, il conduit auprès de
lui Groethuysen, Ponge, Dubuffet et bien d’autres. Le premier
texte de Francis Ponge sur Fautrier commence ainsi :
« Fautrier
à laVallée-aux-Loups n’aura pas connu Fénéon (…) mais sans doute
JP a-t-il assuré le passage. »
; il savait que dans la chambre du
critique d’art était accrochée une
Grappe de raisins
, peinte par
l’artiste en 1942 et prêtée par Paulhan.
© courtesy photo Robert Descharnes / Descharnes & Descharnes sarl 2014
Jean Fautrier
dans sa propriété de l’Île
Verte, voisine de la Vallée-
aux-Loups,à Châtenay-
Malabry. Mai 1955.
«otages»
des
