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Retour sur le parcours de René Rémond, président de l’Université de Paris X-Nanterre
de GOMG à GOML, à la lumière des documents conservés aux Archives départementales
des Hauts-de-Seine et à la Bibliothèque nationale de France. Portrait d’un intellectuel
engagé au service de la cité.
FrédéricDouat
adjoint au directeur desArchiVes départementales
UN HISTORIEN
AU SERVICE DE LA CITÉ
RENÉ RÉMOND
ené Rémond est né le 30 septem-
bre 1918 à Lons-le-Saunier (Jura),
berceau de sa famille, alors que sa
mère s’y est repliée afinde fuir les
bombardements frappant la région pari-
sienne. Il reste attaché à cette région natale
même s’il s’affirme profondément Parisien.
Élève au lycée Carnot, il poursuit ses études
en hypokhâgne au lycée Condorcet et déjà
en l’élève se révèle lemilitant d’action catho-
lique puisque, dès ses quatorze ans et sous
l’impulsion de sa mère, il s’inscrit à la Jeu-
nesse étudiante chrétienne (JEC). Grâce à la
JEC et à sa participation aux cercles d’études
qu’elle organise, il découvre que la foi com-
porte des prolongements dans l’ordre tem-
porel et que ces implications débouchent
pour les catholiques sur des engagements
différents. Ce phénomène constitue l’un de
ses champs de recherche privilégiés en tant
qu’historien.
Un engagement au sein de la Jeunesse
Étudiante Chrétienne
Grand lecteur, notamment desœuvres inté-
grales des auteurs classiques, il est influencé
dans ses années de formation par Mauriac,
Claudel, Péguy et surtout par l’éphémère
hebdomadaire
Sept
fondé par les Domini-
cains des Éditions du Cerf. Il se nourrit des
collections entières des grandes revues histo-
riques, ce qui lui permet
« de s’aviser que l’his-
toire n’est pas écrite une fois pour toutes, mais
que chaque génération en entreprend une lecture
nouvelle »
.
Admissible en 1938 à l’École Normale supé-
rieure, il échoue de nouveau au concours
d'entrée en 1939 au moment où la guerre va
briser et marquer à jamais le destin de sa
génération.Mobilisé en 1939, il estmaintenu
r
dans l’armée d’armistice en zone sud en
tant qu’aspirant.
Libéré de ses obligations militaires
en octobre 1941, il est admis à l’École
Normale supérieure de la rue d’Ulm en
juillet 1942. Comme la quasi-totalité de
ses condisciples, René Rémond participe
à des mouvements de résistance en se
livrant à des actions de renseignement. Il
prolonge par ailleurs son engagement
dans les mouvements d’action catho-
lique en devenant successivement res-
ponsable national universitaire de la JEC
à partir de septembre 1943, puis secré-
taire général du mouvement en 1946.
Il entre au comité général de l’Action
catholique de la Jeunesse française
(ACJF) qui fédère les mouvements de
« milieu » (ouvrier, agricole, étudiant,
etc.).
René Rémond reconnaît que son pen-
chant naturel aurait pu le porter vers
l’individualisme, mais il observe que ses
engagements successifs ont contribué à
le préparer à ses responsabilités futures :
« J’y ai appris à m’insérer dans une collec-
tivité, à réfléchir avec d’autres, à suspendre
mes conclusions, à revoir mon premier
jugement, à étudier, à travailler, à décider, à
réaliser ensemble. Il n’y a guère de décisions
importantes qui n’aient été le fruit d’une
élaboration à plusieurs. »
Il ajoute que
cette expérience a nourri ultérieurement
sa pratique de la pédagogie. Même si à
partir de 1949 il n’exerce plus de respon-
sabilité au sein de ces mouvements, il y
reste très attentif toute sa vie et participe
régulièrement aux
Semaines sociales
de France
. De même il s’investit dans
le Centre catholique des intellectuels
français (CCIF) dont il devient le pré-
sident à partir d’octobre 1965.
Les hautes fonctions qu’il exerce tout au
long de son parcours ne l’empêchent pas
de conserver sa liberté de pensée et
d’expression, quitte à se heurter vive-
ment avec certains membres de la hié-
rarchie de l’Église. Le conflit qui l’oppose
en 1965 à Mgr Pierre Veuillot, arche-
vêque de Paris, est à cet égard exemplaire
même s’il est à l’origine d’une
« amitié
déférente »
.
De Normale sup à Sciences Po
Les années d’après-guerre sont celles du
début de son œuvre d’historien. Agrégé
répétiteur à l’École Normale supérieure
de 1946 à 1949, il est appelé dès 1947
à enseigner au tout nouvel Institut
d’Études politiques de Paris (IEP). C’est
dans cette institution qu’il va parfaire sa
formation d’historien au contact des
sciences sociales. Il contribue ainsi à
créer en 1956 un cycle supérieur de scien-
ces politiques avec JeanTouchard, Alfred
Grosser, Jean-Baptiste Duroselle et
Maurice Duverger. C’est le début d’une
longue collaboration avec Sciences Po
qui le mène jusqu’à la présidence de
la Fondation nationale des sciences
politiques en 1981.
Cette période est extrêmement foison-
nante, tant par l’animationde séminaires
les plus variés, que par la direction de
mémoires et de thèses. Il participe ainsi
aux débuts de chercheurs qui se dis-
tingueront comme Hélène Carrère
d’Encausse qui le recevra près de qua-
rante ans plus tard à l’Académie fran-
çaise. Il y aura marqué des générations
d’étudiants par son cours d’histoire
générale donné de 1960 à 1975 en année
préparatoire de l’IEP.
Tenant de l’Histoire immédiate
Il ne quitte pas pour autant l’Université,
puisque « historien généraliste », il
succède à la Sorbonne à Jean-Baptiste
Duroselle comme assistant de Pierre
Renouvin en histoire moderne et con-
temporaine.
Dans le même temps, René Rémond
poursuit ses travaux de recherche dont
l’un des apportsmajeurs est d’intégrer la
dimension religieuse dans l’explication
des phénomènes politiques, permettant
d’aller au-delà d’une lecturematérialiste
de l’histoire. Cette approche est illustrée
dans sa thèse intitulée
Les États-Unis
devant l’opinion française
(1815-1852).Ainsi,
l’historien a été amené à réfléchir tant
à la question scolaire qu’à l’anticlérica-
lisme.
Se définissant comme le
« contemporain
du contemporain »
, René Rémond n’a
eu de cesse, dès les années cinquante,
« Laïcité, loismémorielles,
relations avec l’Église…
Il participe aux grands
débats qui animent la
société française.»
©©EricLEGOUHY/GAMMA
archives
Nanterre
René Rémond
en 1995.
p
