l’esprit des jardins
VAL DE SEINE
When Joris
Ivens meets
Hraesvelg
r
de Bryan
Mc Cormack, la
dernière sculpture
installée en juin
dernier sur les
côteaux du parc
de Saint-Cloud.
confronté à des défis majeurs et crée
une œuvre se démarquant des ses
autres réalisations. LeNôtre doit inter-
venir sur un terrain extrêmement
accidenté et escarpé. De plus, le châ-
teau est situé sur une colline àmi-hau-
teur. enfin, Monsieur ne tolère pas
volontiers qu’on abatte les vieux arbres
du parc. Le résultat est un site où, à
côté de quelques rares perspectives
imposantes, le promeneur découvre,
aujourd’hui comme au
xVII
e
siècle, des
architectures très raffinées entourées
de grands arbres, des enclos intimes
immergés dans la nature, débouchant
soudainement sur des terrasses ou-
vertes sur le grand paysage. Contreve-
nant à un impératif du jardin «
à la
française », à Saint-Cloud l’emprise du
projet paysager sur l’espace et sur la na-
ture est moins forte, ce qui confère au
parc une poésie et une intimité incon-
nues àVersailles ou àVaux-le-Vicomte.
Quant audomaine de Bellevue, il illus-
tre parfaitement l’évolution de l’art
des jardins en France au
xVIII
e
siècle,
lorsque les formes du jardin s’adoucis-
sent et que le rococo vient ajouter des
notes plus légères, voire galantes. Au
moment où Garnier d’Isle dessine le
jardin de la marquise de Pompadour,
l’art des jardins français s’apprête à
vivre un bouleversement. on en voit
apparaître les prémices à Bellevue
même, lorsque les filles de Louis xV
font redessiner, dans les années 1770,
le jardin en bas du parc par Richard
Mique, l’architecte de Marie-Antoi-
nette. Unpetit parc voit le jour près des
berges de Seine, orné de plantations
irrégulières, d’un petit lac et de fa-
briques
: le style « à l’anglaise » a com-
mencé à percer en France. De même,
le domaine deM
me
de Coislin, l’actuel
parc de Brimborion, contenait déjà
tous les éléments du style paysager,
dont témoignent les quelques rocailles
qui subsistentetles allées sinueusesqui,
encore aujourd’hui, traversent le site.
Ce style nouveau continue de se déve-
lopper au
xIx
e
siècle. on en trouve un
exemple remarquable, et parfaitement
conservé, à l’intérieur du parc de Saint-
Cloud, dans la partie la plus élevée du
site
: le jardin du trocadéro, conçu
sous Louis xVIII, qui continue d’offrir
au promeneur des vues enchantées
sur la Seine et des promenades aumi-
lieu d’une grande variété d’arbres
séculaires. Le jardin prend désormais
des tons romantiques tandis que le
goût pour les essences exotiques com-
mence à se propager en France, com-
me ailleurs en europe.
VestiGes du passé,
VertiGes de l’aVenir
Que reste-t-il aujourd’hui de ce grand
paysage culturel qu’aété leVal deSeine ?
Pas grand chose, hélas. L’histoire a eu
raison de ces jardins si complexes et si
fragiles qui demandaient une atten-
tion, un amour et un entretien
constants. À l’exception du parc de
Saint-Cloud qui, même privé du châ-
teau, reste un élément marquant du
territoire, lemonde des grands jardins
du val de Seine a disparu. Seul un œil
averti remarque encore, en contem-
plant les coteaux depuis le fleuve,
les vestiges du passé : la terrasse de
l’ancien château de la marquise de
Pompadour, la colline de Brimborion,
encore verdoyante, ou l’allée du Châ-
« Dans tous les projets
de réaménagement
en cours, la question
du paysage est centrale
tant ce territoire
possède une qualité
remarquable. »
© Didier Plowy – CMN, Paris