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l’esprit des jardins
VAL DE SEINE
© Archives départementales des Hauts-de-Seine
des villes en été mais aussi de mettre
en perspective la cité, de la contempler
de loin. Ceux qui ont visité la villa Far-
nèse, àCaprarola, ou la villa Lante, près
de Viterbe, avec leurs terrasses riches
en fontaines, enparterres et en statues,
véritables paradis entre ciel et terre,
saisiront aisément la fascination que
ces jardins suspendus exercèrent à la
Renaissance.
Dès le début du
xVI
e
siècle, l’influence
des villas italiennes devient prépondé-
rante en France. L’un des grands prin-
cipes que la Renaissance introduit
dans l’art des jardins est celui du trip-
tyque château-jardin-paysage. Le jar-
din s’organisepar rapport à lademeure,
dont il constitue un prolongement,
tout en s’ouvrant sur le paysage. Pour
le choix du site, Leon Battista Alberti
préconise :
« qu’il regarde la ville et pa-
reillement elle lui, avec aussi plusieurs au-
tres bourgades, villages et hameaux d’en-
viron, singulièrement lamarine ou rivière,
la belle et grande plaine découverte, les
montagnes basses ou hautes, les délices
des jardinages, les pêcheries attrayantes,
les chasses… »
Les coteaux du Val de
Seine, parfois très abrupts, se prêtaient
parfaitement à la création de jardins
composés de plusieurs terrasses. De-
puis ces sites, on pouvait contempler
un vaste paysage où cohabitaient
des pavillons de plaisance, les autres
parcs, la forêt, des champs agricoles,
la grande boucle de la Seine sillonnée
par les bateaux, avec ses berges grouil-
lantes d’activité, la plaine de Boulogne
et, tout au fond, Paris.tout y était donc.
Si lemodèle du jardin en terrasses ou-
vert sur le paysage s’estompe au
xVII
e
siècle, au fur et à mesure que le style
«
à la française » s’affirme à Vaux-
le-Vicomte, à Sceaux ou à Versailles, il
restera vivace dans le Val de Seine, y
compris après la déferlante du style
paysager, venu d’Angleterre, au
xVIII
e
siècle. Ainsi, chacun de ces jardins dé-
veloppera un lien particulier avec ses
environs immédiats et, en particulier,
avec l’élément le plus fort du paysage
:
la Seine.
les Jardins du pouVoir
Dans le val de Seine, le lien intime qui
existe depuis toujours entre l’art des
jardins et le pouvoir politique est ex-
plicite. Les domaines seigneuriaux qui
nous intéressent se trouvent le long du
grand axe reliant Paris à Versailles,
àmi-chemin entre les deux centres du
pouvoir monarchique du
xVII
e
et du
xVIII
e
siècle. Sur un plan géographique,
leur positionest stratégique, puisqu’elle
permettait aux propriétaires de se ren-
dre rapidement auprès du roi, mais
aussi symbolique
: ces domaines sont
physiquement
«prochesdupouvoir»
.
Ainsi, on ne s’étonnera pas d’appren-
dre que la plupart des domaines duVal
de Seine appartenaient à desmembres
de la famille royale, à des hommes po-
litiques de premier plan ou à desmaî-
tresses des rois de France. tous ces
personnages s’attachèrent à agrandir
et embellir leurs parcs, comme preuve
de leur bongoût, de leur richesse,mais
aussi de leur appartenance à la sphère
d’un pouvoir qui avait choisi l’art des
jardins comme outil privilégié pour
manifester sa puissance.
Le domaine d’Issy, par exemple, est ra-
cheté et agrandi, dès 1681, par Denis
talon, conseiller de LouisxVI. en 1699,
il est acquis par le «Grand Conti », un
des principaux acteurs de la vie mili-
taire, politique etmondaine duGrand
Siècle.
Le domaine deMeudon appartiendra
successivement àAnne de Pisseleu, fa-
vorite de François Ier, au cardinal de
Lorraine, Charles deGuise, àAbel Ser-
vien, surintendant des finances de
Mazarin, à Louvois, ministre de la
guerre de Louis xIV puis au fils de
Louis xIV,. Le GrandDauphin rachète
aussi le domaine contigu de Chaville,
réalisé pour Michel Le tellier, secré-
taire d’État de la guerre, afin de créer
une continuité entre le domaine de
Meudon et celui deVersailles.
Quant au domaine de Saint-Cloud, il
fut, entre le
xVI
e
et le
xVIII
e
siècle, la ré-
sidence de plusieurs familles aristocra-
tiques et royales : Jérôme de Gondi,
écuyer de Catherine de Médicis, Bar-
thélémyHervart, contrôleurgénéral des
finances sous Mazarin, « Monsieur »,
le frère de Louis xIV, enfinMarie-An-
toinette. Au
xIx
e
siècle, il sera la rési-
dence préférée de Napoléon Bona-
parte puis de Napoléon
III
.
À Bellevue, que Louis xV achète pour
M
me
de Pompadour, la politique revêt
une dimension plus galante. outre les
entrevues amoureuses entre le roi et
« C’est André Le Nôtre qui a
le plus marqué l’évolution
et la mémoire des domaines
du Val de Seine. »
Vue du château
de Bellevue,
prise du côté
de la Glacière.
Vers BGGA.
Dessin par
le chevalier
de l’Espinasse.
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