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Montrouge
Contemporains
Éponine Momenceau est la lauréate 2012 du Prix
du conseil général des Hauts-de-Seine décerné à
l’occasion du Salon de Montrouge.
Patrick Devedjian a couronné la jeune vidéaste
au Beffroi, un des plus beaux espaces culturels du
département, le 2 mai dernier.
LE FAUX EST UN
MOMENT DU VRAI
ÉPONINE MOMENCEAU
é
ponineMomenceau, jeune artiste
vidéaste, réalise des films en Super 16mm où ces deux
conditions intrinsèques aucinéma –le temps et la lumière
– sont la matière première d’une œuvre qui tient autant
de l’expérimentation que de la contemplation. Utilisant
les propriétés et les accidents de la pellicule avec virtuosité
pourmieux en révéler l’éventail des possibles, du flou à la
netteté, de l’éblouissement à l’obscurité dans un enchaî-
nement de séquences habilement montées. Cet univers
fantasque qui défile sous nos yeux comme autant de
formes parfois abstraites, sculptées dans la lumière, nous
place tantôt dans une désorientation sensorielle tantôt
dans la reconnaissance et l’identification de situation, de
forme, de silhouettes ou d’objets qui se transforment en
de délicates chimères colloïdales. Au-delà de ce jeu visuel
lumineux, les séquences figuratives où l’on décèle archi-
te ure publique aseptisée et êtres évoluant hagards et
muets au sein d’un monde déréalisé, intercalé d’images
de la nature à la lumière mystérieuse, vient renforcer ce
sentiment d’unedimensionparallèle. Cemonde exotique,
qu’Éponine arpente armée de sa caméra qui saisit son
errance, est d’évidence un voyage au pays des hallucina-
tions mais s’inscrit surtout dans une longue histoire de
l’expérimentation cinématographique où la vision et la
restitution du réel est un prétexte à l’adoption d’un point
de vue critique sur ce que l’on voit et sur ce que l’on sait.
ÉponineMomenceau utilise dans sonœuvre ce prétexte
pour nous offrir une le ure sensible et réenchantée du
voyage ou plutôt de l’errance, de ces pertes de temps de
notre quotidien qui nous oblige à l’attente ina ive d’un
bus, d’un trainou bien encore prisonnier d’un trajet. L’at-
tente se transforme alors sous sonobje if endemultiples
occasions de regarder ce qui nous entoure, de contempler
poétiquement le décor qui l’entoure au travers du prisme
kaléidoscopique des jeux de lumière. Ce va-et-vient entre
réel et imaginaire accidentel où le film agit en filtre du
décor nous invite à ralentir, à regarder, à s’extasier face à
la beauté qu’Éponine concède à partager avec nous le
temps d’un voyage. Cette fragmentation du réel se
retrouve par ailleurs dans ses photographies, autre
mediumdont l’existence n’estpossible que par la lumière
et le temps, où nous sont présentés des prélèvements de
l’ordinaire de la vie. Celles-ci renforcent le fait que la
simplicité du familier ou du banal que l’on a sous les yeux
peut se révéler extraordinaire pour peu que l’on s’aban-
donne à l’imagination, que l’on soit prêt à lâcher prise, à
troubler notre vision pour élargir les possibilités de
perception que nous avons de la vie .
PierreMalachin
Le Grand Prix du salon été attribué à Maxime Chanson et le Prix
spécial du juryàHenrikPotter. Ils exposerontà l’automne auPalais
de Tokyo.
Créé en 1955, le Salon, organisé et financé par la ville de
Montrouge, très impliquée dans la promotion de la jeune création,
est l’une des plus anciennes manifestations d’art contemporain en
France. Il a pour commissaire artistique Stéphane Corréard. Son
ambitionestde découvrir les talents de demain. Il se déroule chaque
mois de mai.
© CG92/Jean-Luc Dolmaire
Née en 1985, Éponine
Momenceau, outre son
prix de mille euros,
exposera à l’automne
au Palais de Tokyo.
Ci-contre et ci-dessous :
Song #
, 2011
Film Super 16 mm.
12 min. 30 sec.
© Éponine Momenceau