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fondateur, posé en 1874 lorsqueMonet expose
Impression,
soleil levant
, 1872, lance lemouvement« impressionniste».
Une décennie plus tard, le triomphe du paysage français
est porté sur la scène internationale par ces mêmes
impressionnistes qui avaient été tant moqués… et le
monde entier apprend la géographie des bords de Seine
et les noms des sites français ! En effet,Monet et ses amis
sont les adeptes exclusifs de la peinture de « plein air »
dont le précurseur fut Corot, le premier à s’échapper de
l’atelier aumilieu du XIX
e
siècle pour aller « sur lemotif »,
chevalet en bandoulière. L’apparition du train, alliée à
celle de la peinture en tubes, permet alors aux artistes de
sillonner aisément les provinces françaises. Des paysa-
gistes comme Rousseau, Millet, Daubigny…emboîtent
le pas à Corot et pratiquent
« l’observation sensible de la
nature »
prônée par Constable, contribuant à faire du
paysage un genre majeur. Ces grandes figures dispa-
raissent au moment où les impressionnistes se font
connaître. Ces derniers assureront à la peinture de
paysage sa flamboyante postérité !
siècle plus tard, JosephVernet s’inspirera dire ement du
Lorrain pour saisir les valeurs atmosphériques et lumi-
neuses du paysage romain. Au XVIII
e
siècle, le paysage
sera l’affaire desAnglais plus que des Français. La passion
historique de ces peintres pour la nature n’a jamais connu
d’éclipse, ce qu’illustrent Gainsborough et le grand
Constable.
« Sur le motif »
Au XIX
e
siècle, Turner fait basculer le paysage dans une
autredimension.Tout en revendiquant safiliationavec le
Lorrain dont il conserve l’aspe visionnaire et l’incan-
descence, Turner s’intéresse au rendu atmosphérique, sa
touche « pré-impressionniste » brasse l’air et la lumière,
dissout les formes du paysage… Lors d’une exposition à
Londres, c’estlechocpourMonet(etPissarro) alors réfugiés
enAngleterre (1870).Monet, confortédans ses recherches
sur les infinies variations de l'atmosphère, invente un
nouveau rapport entre la nature et le peintre. L’a e
Aubes d’été et paradis perdus
Au XVII
e
siècle, de grands peintres français résidant à
Rome ont donné à la peinture de paysage ses lettres de
noblesse en redécouvrant dans
« la vérité de la nature »
,
les accords harmonieux qui lient l'homme à sonmilieu.
Nicolas Poussin et Claude Gellée, dit le Lorrain, se sont
inspirés de la lumière dorée et des décors champêtres
que leur offrait la campagne romaine, pour composer de
grands paysages, sublimes synthèses entre la nature et
l’histoire, ou la nature et lemythe.Toute sa vie, le Lorrain
n’a peint que des paysages. Mais quels paysages ! Deux
siècles avant le poète,
« l’aube d’été »
y embrasse déjà
« le front des palais »
... Grands, idéalisés, visionnaires,
les paysages du Lorrain serviront demodèle de référence
jusqu’à la fin du XIX
e
. Le peintre excelle à décrire l’aube,
l’aurore, le coucher du soleil, le crépuscule, toutes ces
heures où le ciel nimbé de rose et d’orange diffuse ses
nuances aupaysage tout entier. Inlassablement, le Lorrain
captera les variations des couleurs dans l’ombre ou la
MEUDON
Peinture
© Philippe Sébert
lumière, le miroitement du soleil sur l’eau, le reflet des
édifices antiques aux marches du port…
Cette vision du paysage porte la trace de sa fascination
pour les merveilleux paysages d’Annibal Carrache. C’est
en effet vers la fin du XVI
e
siècle que le plus célèbre des
trois Carrache signe l’a e de naissance de la peinture de
paysage et l’impose comme un genre à part entière, au
même titre que le portrait ou la naturemorte. S’appuyant
sur la première Renaissance et la manière de Raphaël,
Annibal Carrache tend au monde un paysage « idéal »
qui les contient tous. L’impalpable nostalgie qui traverse
les fonds bleutés du
Paysage fluvial
deWashington (vers
1599), emporte loin le regard, tandis que les mélanges
verts et jaunes du premier plan entrouvrent la perspe ive
vers d’autres « paysages », forêt, montagne, campagne,
rivière, suggérant une atmosphère irréelle, celle d’un
paradis perdu. De cette « vision idéale » de la nature, le
Lorrain tirera une véritable dire ion de recherche pour
sa propre peinture et sera à l’origine d’une véritable
tradition des levers et couchers de soleil sur l'eau. Un
Paul Huet,
Le Mont
Dore
, 1831-1835. Huile
sur toile rentoilée à la
cire, 16,5 x 43 cm.
Musée d’Art et d’Histoire
de la Ville de Meudon –
collection Christian
Grelety Bosviel