X
paris
SOUVENIRS DU SENTIER, 1914
R
ue duNil ; rue d’Alexandrie, d’Aboukir ; rue, place et
passageduCaire ; rueDamiette : dans l’enthousiasme
suscité par les campagnesmilitaires de Bonaparte, la
toponymieduSentier a pris une tonalité« retour d’Égypte».
L’autochrome nous montre les immeubles n
os
89 à 97 rue
d’Aboukir – ancienne rue Bourbon-Villeneuve –, qui bor-
dent un côtédu trianglede la placeduCaire, formée en 1799.
Populaire et artisanal à partir dumilieuduXiX
e
siècle, enclavé
entre les boulevards et les percées haussmanniennes, le
quartier présente des parcelles étroites, occupées par des
immeubles de grandehauteur. Ces constructions, où la bou-
tique et le dépôt étaient surmontés de l’atelier et du loge-
ment, étaient adaptées à l’intense activité commerciale de
ce petit territoire. Dans les ateliers, les grisettes s’affairaient
pour confectionner corsets, fleurs artificielles ou ouvrages
de passementerie. Le soir, elles étaient parfois rejointes par
les gens deBourse, leurs voisins. L’industriede la confection
côtoyait les fabriques de chapeaux de paille, les ateliers de
cartonnage et de lithographie sur calicots (banderoles
commerciales).
La place du Caire était aussi le royaume des cardeuses de
matelas qui s’y réunissaient quotidiennement. Aujourd’hui,
les manutentionnaires immigrés y attendent les quelques
jours ou quelques heures de labeur que pourraient leur
proposer les grossistes en vêtements et fournitures textiles,
majoritaires dans le Sentier à partir de lafindes années 1960.
Depuis l’époque de l’autochrome, la place du Caire a perdu
de son charme et de son pittoresque. La hampe d’enseigne
dun° 93 rued’Aboukir adisparu ; disparus aussi les panneaux
de bois peint plaqués sur les façades et les bandeaux aux
lettres d’or. Les rez-de-chaussée sont « agrémentés » de
bandeaux en plastique ordinaires et minimalistes, le com-
mercedegros n’exigeant pas de séduire l’acheteur. Ledernier
immeuble à droite de l’image (n° 97 rue d’Aboukir) a été
remplacé par une construction de 1926, dont le style et le
non-alignement brisent l’harmonie de la place. Unmobilier
urbain au design insignifiant – la sanisette Decaux – s’est
substitué aux édicules couverts de réclames multicolores
qui donnaient aux rues un air tellement Belle Époque.
L’ajout de la statue d’Olivier Brice, L’
Homme au bras levé
(1973), et la rénovation de l’entrée du passage du Caire avec
ses têtes de la déesse Hathor et ses chapiteaux-lotus (1798,
située derrière l’opérateur) méritent tout de même d’être
mentionnés.
S
OPHIE
C
OUëTOUx
Attachée de conservation du patrimoine au musée Albert-Kahn
Autochrome
de Stéphane Passet,
juillet 1914.
Musée Albert-
Kahn.
albert-kahn
Chronique de l’œil