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L’espRit des jaRdiNs
Nanterre
« La prise de conscience
de l’impact de l’activité
humaine sur l’environnement
a poussé les paysagistes
à chercher des voies nouvelles
pour les jardins. »
le fleuve, l’eau propre est acheminée vers
laMaison du Parc. Ce bâtiment sur pilo-
tis est réalisé, comme le Pavillon des
Berges tout proche, conformément à des
critères de haute qualité environnemen-
tale, avec desmatériaux de construction
naturels et recyclables. L’eau le traverse
et descend le long d’une paroi végétali-
sée qui la conduit vers le contre-fossé qui
s’écoule parallèle à la Seine et sépare les
plaines des berges.
poésie archéologique
Là, le parc devient paysager et il prend
des allures presque champêtres. Les
formes régulières et minérales des bas-
sins cèdent peu à peu la place aux prai-
ries, débordantes de fleurs au printemps
et enété, aux berges sinueuses et touffues
du contre-fossé, à des bouquets d’arbres
isolés et des haies d’essences variées.Tout
n’est pourtant pas «nature »dans le parc.
L’art est présent aussi, à travers les sculp-
tures monumentales, en fonte de fer, de
QuentinGarel :
Crâne demoineau
,
Crâne
d’oie
,
Mandibule de porc
. Semblables à des
ossements refaisant surface, ces «
vestiges
d’un passé imaginaire
», comme les définit
l’artiste, mettent en scène une mémoire
mythique, chargée d’émotion. Ils intro-
duisent dans le parc une étrange poésie
archéologique.
Le parcours du fossé se termine dans
l’étang du « Jardin des Touradons » à
l’extrémitéNord du parc. De l’étang, une
partie de l’eau est remontée par une éo-
lienne et canalisée vers les 4 500 m
²
des
jardins familiaux où elle est utilisée pour
l’arrosage. Bien que complètement
réaménagées lors de la réalisation du
parc, ces parcelles, depuis longtemps
cultivées par les ouvriers des Papeteries
de la Seine, portent lamémoire du lieu.
Une fois atteinte la limite des jardins fa-
miliaux, l’eau peut enfin retourner à la
Seine. Épurée et ré-oxygénée, elle contri-
bue à l’établissement d’habitats naturels
propices à la reproduction et à l’alimen-
tation de la faune piscicole.
Un sentiment d’apaisement
La visite du parc se termine ici. Le visi-
teur s’est promené à travers des espaces
très architecturés et des prairies, des sen-
tiers cachés serpentant aumilieu des ta-
lus et des espaces ouverts. À chaque pas,
ou presque, la Seine lui a rappelé sa pré-
sence. Devant ses yeux, des tableaux na-
turels, idylliques, se sontmêlés à des vues
sur la ville : les tours de La Défense au
loin, les viaducs du RER et de l’autoroute
qui surplombent le parc, à lamasse écra-
santemais étrangement bien intégrés au
site, une prairie en fleurs où pâture le
jeune cheval, Ulysse, qui depuis peu par-
ticipe à l’entretien du jardin... Et, s’appro-
chant de la sortie, ce même visiteur se
dira peut-être que l’esprit le plus profond
du jardin qui l’a accueilli le temps d’une
promenade est un esprit de synthèse.
Le parc du Chemin de l’Île, nous l’avons
vu, tend à une réconciliation entre des
éléments que l’on a appris à considérer
comme antinomiques et qui ne le sont
peut-être pas. Il propose un apaisement.
Et c’est avec ce sentiment que le visiteur
franchit à nouveau le portail du parc pour
retrouver son chemin vers la ville et vers
sa vie quotidienne.
Bientôt, un nouveau belvédère naturel.
Le site est destiné à s’agrandir. LeDépar-
tement, qui en 2006 est devenu gestion-
naire du site, a acquis récemment 1,9
hectare de terrain. L’objectif est d’aug-
menter progressivement la surface du
parc pour passer, à terme, de 15 à 20 hec-
tares. Le nouveau terrain, situé à l’arrière
des jardins familiaux en surplomb de la
Seine, vient d’être planté d’arbres à fleurs
et d’essence locales. Il sera ouvert au pu-
blic au printemps 2012.
Ce sera, en accord avec l’esprit du projet,
unnouveau belvédère naturel, ouvert sur
le vaste paysage fluvial. Il deviendra, une
fois que les végétaux auront grandi, un
autre lieu accueillant, foisonnant de ver-
dure, pour un public citadin en quête de
nature et d’ailleurs, au milieu de la ville
qui trop souvent nie ce besoin.
Car, bien qu’il soit souvent présenté
comme un projet à la pointe de la re-
cherche paysagère contemporaine et
qu’il constitue un lieu d’étude pour les
écoles d’architecture et du paysage, le
parc du Chemin de l’Île reste avant tout
fidèle à la vocation ancienne du jardin :
offrir aux hommes un véritable espace
de rêve, unmonde réconcilié, enfin ha-
bitable, où l’utopie devient possible.
n
Un écosystème
dans lequel faune
et flore s’enrichissent
mutuellement..
© CG92/Jean-Luc Dolmaire
Au-delà de l’agrément visuel,
les bassins filtrants
structurent les quinze
hectares du parc. L’eau
de la Seine, prélevée
par cinq vis d’Archimède,
y est épurée grâce aux
plantes aquatiques.
© CG92/Willy Labre