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L’espRit des jaRdiNs
Nanterre
Le projet, voulu par le Département, la
commune deNanterre, la Région Ile-de-
France et l’Établissement public pour
l’aménagement de La Défense, est
confié en 1999 à l’atelierAcanthe. Les tra-
vaux commencent en 2003. Trois ans
plus tard, le parc est ouvert au public.
Un matin de printemps
«
Considérer la nature comme une alliée
et non comme une invitée.
» Ces mots
du concepteur du parc, Geoffroy-De-
chaume, aujourd’hui décédé, illustrent
le principe qui a présidé à la composition
du site. Il suffit de se promener dans le
parc unmatin de printemps, lorsque les
prairies sont en fleurs et que les canaux
reflètent la lumière, pour en saisir tout le
sens. Nous ne sommes pas, là, dans un
« espace vert »mais dans un jardin, «
un
enclos
», pour citer encore une fois Gilles
Clément (dont l’influence sur la compo-
sition du parc du Chemin de l’Île a pro-
bablement été essentielle), «
destiné à
préserver le meilleur
» . La nature n’est pas
subordonnée à un projet esthétique, elle
n’est pas non plus un simple élément de
la composition paysagère, elle en consti-
tue la principale raison d’être.
Le visiteur ne tarde pas à s’apercevoir que
ce qui caractérise la composition géné-
rale du parc est un mélange – lui aussi
typique de la création paysagère con-
temporaine – d’éléments formels et in-
formels, de secteurs architecturalement
très élaborés et de zones naturelles, foi-
sonnantes. Le site présente en effet une
organisation très fluide enchaînant de
manière progressive, d’ouest en est, des
formes rigoureusement structurées,
épurées, et des formes plus libres et
organiques. Du mail longeant l’avenue
Hoche, tel un filtre aménagé entre la
ville et le parc, on traverse l’axe très mi-
néral des bassins filtrants, perpendicu-
laire à la Seine, pour passer peu à peu et
sans rupture aux prairies sauvages : de
l’espace urbain à l’espace de nature.
omniprésence de l’eau
Comme nombre de paysagistes contem-
porains, Geoffroy-Dechaume n’a pas
hésité à puiser dans l’histoire de l’art des
jardins. La tradition dont il s’est inspiré
est celle des jardins d’eau qui s’affirme à
la Renaissance, notamment dans les
Pays-Bas et en Île-de-France, lorsque l’
on commence à utiliser les canaux et les
fossés de drainage, conçus pour assainir
les terres agricoles et faire circuler l’eau,
à l’intérieur des parcs d’agrément, dans
un but désormais esthétique plus qu’uti-
litaire. L’eau est l’élément fort du parc du
Chemin de l’Île non seulement à cause
de son omniprésence mais parce que la
Seine qui le côtoie et les canaux qui le tra-
versent constituent l’ossature du lieu,
sa structure.
Le fleuve fait plus qu’accompagner le
parc ou lui offrir un fond paysager pitto-
resque : il pénètre dans le site, il entre
dans la composition.
L’eau de la Seine est remontée par cinq
vis d’Archimède, ou vis sans fin, qui
l’acheminent par un canal enterré
jusqu’au bassin filtrant le plus élevé du
parc, d’où elle s’écoule naturellement,
descendant de bassin en bassin, vers le
fleuve. C’est au cours de cette descente
que s’opère le processus d’épuration.
Les sept bassins sont plantés de végétaux
hélophytes, c’est-à-dire adaptés aux ter-
rainsmarécageux. Dans les trois bassins
les plus élevés, on trouve des plantes
aquatiques qui absorbent les charges
polluantes, accomplissant le principal
travail d’épuration. Chaque espèce végé-
tale possède une fonctionpropre. Le pre-
mier bassin est planté, par exemple, de
massettes (
Typhalatifolia
et
T. angustifo-
lia
) qui filtrent les matières en suspen-
sion et réduisent les teneurs en chlore
et enmétaux lourds présentes dans l’eau,
tandis que des phragmites (
Phragmite
communis
) en réduisent les charges
organiques. Le rôle du quatrième bassin
et des suivants est demaintenir la qualité
de l’eau obtenue. Les nénuphars (
Nym-
phaea ‘James brydon’, N. ‘Charles meur-
ville’, N. ‘Marliacea albida’
et
N. ‘Attrac-
tion’
) permettent d’accroître le taux
d’oxygène dissous dans l’eau. Mais ils
servent également de « sentinelles » : ces
végétaux ne poussent que dans de l’eau
très propre et leur présence indique qu’à
ce stade la qualité du fluide s’est nette-
ment améliorée. Une fois atteint le « Jar-
din de l’eau retrouvée », en fin de cycle,
le processus de filtrage est accompli.
Mais au lieu de rejoindre tout de suite
© CG92/Willy Labre
© CG92/Olivier Ravoire
Le Pavillon des berges
vu depuis la Maison
du Parc.
Empruntant un contre-fossé,
une partie de l'eau
purifiée retourne
dans la Seine, tandisque
l'autre est acheminée
vers les jardins
familiaux, grâce
à l'éolienne qui se
trouve dans la partie
nord du parc.
« Ce parc se donne pour mission
de rétablir un milieu
écologiquement équilibré
et de rapprocher les citadins
de la nature. »
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