Chine
MURAILLE NORD
DE SHENYANG
E
n cemois demai 1912, une poignée de Chinois va-
quent devant la Porte du Triomphe et de la Féli-
cité (Fushengmen).La muraille nord de la « ville
intérieure » deMoukden (aujourd'hui Shenyang
沈阳
) a
encore fière allure, malgré les signes du manque d’en-
tretien, tels les créneaux ébréchés ou le bâtiment de-
vant la porte, vraisemblablement un corps de garde, dont
les vitres de papier sont trouées.
Au carrefour des routes du royaume de Corée et des em-
pires russe et chinois, l’antique cité deMoukden a long-
temps prospéré comme centre d’échanges commerciaux.
Là se croisaient les caravanes des marchands mongols,
mandchous, chinois, russes, coréens (rejoints aujourd’hui
dans cette vaste cité de 7 millions d’âmes, capitale de la
province du Liaoning, par les industriels japonais et du
monde entier).Mais en cette année 1912,Moukden vient
de perdre la source principale de son prestige, sonstatut
de « capitale seconde » de l’empire.
En 1621, une coalition de nomadesmandchous fonde un
royaume indépendant et s’empare de la ville dont ils font
leur capitale. Sous leurs coups de boutoir, la dynastie im-
périale chinoise desMing
明朝
s’effondre en 1644.La dy-
nastie des Qing
清朝
monte à son tour sur le trône du
Dragon, déplace sa capitale à Pékin (aujourd'hui Beijing
北京
) et brille de ses feux sous trois règnes aux XVII
e
et
XVIII
e
siècles, si prestigieux qu’ils en auraient presque fait
oublier à la population han, chinoise, l’origine mand-
choue de ses empereurs. Mais leurs successeurs ne sont
pas aussi brillants et l’irruption des Occidentaux au XIX
e
siècle, les « guerres de l’opium» qui forcent le vastemar-
ché chinois à s’ouvrir accélèrent la décadencemorale. La
crisemorale se transforme en crise politique, SunYatsen
et le parti nationaliste guomindang
国民党
déclenchent
la révolution xinhai. En 1911, l’empire est renversé, la
Chine est devenue une république.
Le jeune garçon au premier plan à droite résume cette
histoire. Il a le front rasé et la natte dans le dos. Si la po-
pulation a oublié qu’il s’agissait d’un signe de soumission
imposé par les vainqueurs mandchous, la jeune répu-
blique, elle, ne va pas tarder à exiger la renonciation à
cette marque d’un passé révolu, au nom de la nécessité
de moderniser le pays pour l’émancipation des Etran-
gers. Il faudra une guerre mondiale et une guerre civile
pour y parvenir tout à fait, en 1949.
G
ILLES
B
AUD
-B
ERTHIER
© Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine
albert-kahn
Chronique de l’œil
Albert-Kahn, musée
et jardins, abrite et
expose le premier
fonds d’autochromes
du monde. Propriété
du conseil général, il
est situé à Boulogne :
10-14 rue du Port.
Tél. : 01 55 19 28 00
Exposition actuelle :
« Clichés japonais,
le temps suspendu
»
Jusqu’au >? août ><==
Autochrome
de Stéphane Passet,
mai 8;89. Musée
Albert-Kahn.
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