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EnTRETIEn

Vallée-aux-Loups

Qu’en est-il de Chateaubriand ?A-t-il lu

Shakespeare ? A-t-il vu certaines de ses

pièces au théâtre ? Qu’a-t-il écrit sur

cetteœuvre ?

Chateaubriand connaissait, bien sûr,

Shakespeare. N’oublions pas qu’il vécut,

exilé, sept années en Angleterre de 1793

à 1800. Il y acquit une bonnemaîtrise de

l’anglais qu’il avait étudié lorsqu’il était

jeune pour passer les examens de la

Marine royale. Nous avons de lui deux

ensembles de textes relatifs à l’écrivain

anglais, deux ensembles écrits à plus de

trente ans d’intervalle. Le premier est

constitué de deux articles publiés dans

Le Mercure de France

en mai et juin 1802

(repris plus tard dans un volume de

Mélanges littéraires

), le second est formé

d’une quarantaine de pages d’un ou-

vrage paru en juin 1836, l’

Essai sur la litté-

rature anglaise

. Dans les articles de 1802,

Chateaubriand évoque

Hamlet

et cite

assez longuement des extraits de

Macbeth

et de

Roméo et Juliette

. Il intro-

duit ces citations en donnant le texte

l’enthousiasme pour le théâtre de

Shakespeare, et il fut suivi par les fidèles

du classicisme français (Condorcet, Riva-

rol, La Harpe, Fontanes) largement

majoritaires dans le public cultivé

de notre pays. Mais Louis-Sébastien

Mercier, Joubert,M

me

de Staël, Delille ne

cachaient pas leur admiration pour un

auteur dont le génie bousculait heureu-

sement, selon eux, les règles admises.

Un peu plus tard, les Romantiques,

dans toute l’Europe, n’ont-ils pas vu en

Shakespeare un maître et un grand

inspirateur ?

Effectivement Shakespeare va devenir

une des principales figures tutélaires du

Romantisme européen. En Allemagne,

August Wilhelm Schlegel et Ludwig

Tieck vont réaliser de 1797 à 1801 une

remarquable traduction de Shakespeare

dont la lecture sera déterminante.

Herder institua dans ce pays qui souhai-

tait s’affranchir de l’influence française

un véritable culte de Shakespeare. En

France, l’influence de Shakespeare se fit

fortement sentir à partir du début des

années 1820. En 1821, Guizot fit paraître

une édition revue et corrigée de la

traductionde LeTourneur qu’il fit précé-

der d’un

Essai sur la vie et les œuvres de

Shakespeare

. En 1823 et 1825, Stendhal

publia un

Racine et Shakespeare

, tout à la

gloire du second. En 1827, Victor Hugo

se réclama de Shakespeare dans la pré-

face de son drame historique

Cromwell

:

« Avec Shakespeare nous voici parvenus à

la sommité poétique des temps modernes.

Shakespeare c’est le drame : et le drame qui

fond sous unmême souffle le grotesque et le

sublime, le terrible et le bouffon, la tragédie

et la comédie »

. En 1829, Alfred de Vigny

donna à la Comédie française une tra-

duction en vers d’

Othello

;

Le More de

Venise

.

« En France, l’influence de Shakespeare

se fit fortement sentir à partir du début

des années 1820 grâce à Guizot, Stendhal,

Victor Hugo, Alfred de Vigny….»

C’est Voltaire qui révéla Shakespeare

au public français. On lui doit la

première traduction du célèbre

monologue de l’acte III d’

Hamlet

:

To be or not to be

. Mais deux ans

avant de mourir, en 1776,

il s’insurgea contre l’enthousiasme

des Français pour le théâtre de

Shakespeare.

Gravure sur cuivre, coloriée,

d’Auguste Alexandre Baudran (né en 1823)

d’ap. dessin de Charles Gleyre(1806–1874).

In :

Le Plutarque français

, vol. 5, Paris

(Langlois et Leclercq) 1846, p. 135.

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