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On célèbrera un peu partout, avec faste,

l’année prochaine, le quatrième cente-

naire de la mort de William Shakes-

peare. Que connaissait-on de cet écri-

vain en France à la fin duXVIII

e

siècle ?

William Shakespeare qui vécut de 1564

à 1616 fut révélé au public français par

Voltaire. Celui-ci avait séjourné en

Angleterre de juin 1726 à janvier 1729 et

il y avait appris l’anglais. Cette langue

était, à cette époque, beaucoup moins

connue et pratiquée chez nous que de

nos jours. Dans l’un de ses premiers

livres,

Les Lettres philosophiques

, parues

en avril 1734, il donna de brèves analyses,

les premières du genre, d’Othello, de

Jules César et d’Hamlet, traduisant en

vers français le célèbre monologue de

l’acte III :

To be or not to be

. L’abbé Prévost,

l’auteur de

Manon Lescaut

, qui s’intéres-

sait aussi à la littérature anglaise, donna,

au même moment, une étude du dra-

maturge anglais dans une revue qu’il

rédigeait à peu près seul,

Le Pour et le

Contre

.

Shakespeare était déjà considéré en

Angleterre comme le grand écrivain

national, mais ce n’est qu’à partir de ces

écrits deVoltaire et de l’abbé Prévost que

le public français commença à s’y inté-

resser.Voltaire fixa pour longtemps l’idée

reçue en France :

« Shakespeare avait un

génie plein de force et de fécondité, de naturel

et de sublime, mais sans lamoindre étincelle

de bon goût, et sans la moindre connais-

sance des règles »

. Une première traduc-

tion, peu fidèle, d’une dizaine de pièces

fut publiée en 1745-1748. De 1776 à 1782,

parut enfin une traduction des œuvres

complètes de Shakespeare en vingt

volumes. Cette traduction, nettement

meilleure que la précédente, était l’œuvre

de Pierre Le Tourneur. Cette dernière

publication fut un événement littéraire

etmondain. Les choses venues d’Angle-

terre étaient devenues à lamode en cette

fin duXVIII

e

siècle.

Shakespeare partagea néanmoins le

public français.Deux ans avantdemourir,

en 1776, Voltaire s’insurgea contre

©CD92/Jean-LucDolmaire

« ChaTEaUbRIanD a aImé 

ET aDmIRé ShakESPEaRE »

La Maison de Chateaubriand a été le cadre d’une

Quinzaine Shakespeare

au mois de mai. Guy Berger, président de la Société Chateaubriand et

membre du jury du prix éponyme, nous décrit l’accueil que la France

réserva à cette grande figure tutélaire du Romantisme européen.

guy

berger

p

Si Shakespeare était

considéré en Angleterre

comme le grand écrivain

national, l’Allemagne et

la France l’honorèrent

aussi grandement.

Tableau anonyme dit

« Ashbourne portrait ».

1612, coll. Ashbourne

portrait-Washington

Chateaubriand écrivit

sur Shakespeare deux

articles publiés dans

Le Mercure de France

en 1802, et une

quarantaine de pages

dans son

Essai sur la

littérature anglaise

, en

juin 1836, qui révèlent

une connaissance

approfondie du drama-

turge.

Peinture de Anne-Louis

Girodet De Roussy-

Trioson (1767-1824).

Guy Berger à la

Vallée-aux-Loups

:

Propos recueillis par hervé Colombet