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©CG92/Jean-LucDolmaire
décuple les possibilités, brûle les fron-
tières. Les nouveaux outils changent la
donne. Parmi les évolutions lourdes, le
déclin inévitable des produits se fait au
bénéfice des services et autres applica-
tions (c’est le passage du CD à Deezer).
Mais si la culture participe de plus enplus
à la politique industrielle et si les volu-
mes financiers se concentrent, il n’en
demeure pasmoins vrai que les produc-
tions nationales se renforcent et que de
petites unités à forte valeur ajoutée savent
tirer leur épingle du jeu.
« Les structures
créatives, même petites, vivent bien, même si
elles doivent parfois s’adosser à de grands
groupes, autour d’une logique gagnante de
projet »
, que ce soit dans l’édition, la
musique, la vidéo.
« Cette nouvelle culture
mondiale sera ce que nous en ferons »
conclut, un rien pragmatique, Frédéric
Martel.
Éclectisme des « omnivores »
DavidFajolles livre, lui, les chiffres clés de
la pratique culturelle française issus des
enquêtes menées par le ministère de la
Culture de 1973 à 2008. Un baromètre
national qui depuis quarante ans dit le
développement certain des pratiques,
dopé en cela par la massification de
l’accès à l’enseignement supérieur et à
l’infinie diversification de l’offre. Parmi
les indicateurs, impossiblede louper celui
du phénomène de la culture par l’écran
et les appareils nomades (ordinateurs,
tablettes, smartphones, home cinéma…).
Aussi, assiste t-on à une lente mais sûre
baisse de l’imprimé, depuis 1970 d’ail-
leurs. En 1973, 56% des Français lisaient
unquotidien sur papier, aujourd’hui il ne
sont plus que 26%. Quant à la lecture des
livres sur papier, sa baisse est lente mais
sûre, et son public s’est très féminisé.
L’autre grand phénomène de ces der-
nières décennies, c’est bien sûr l’explosion
de l’offre et de la demande musicale.
L’écoute quotidienne (hors radio) est de
34% (elle était de 9% en 1973). Quant à
l’audience TV, sa croissance se tasse,
notamment chez les jeunes diplômés, en
dépit de la multiplication des chaînes et
des canaux.
La fréquentationdes établissement cultu-
rels (y compris les cinémas) se stabilise
avec ses 22%d’adeptes réguliers, endépit
de l’offre toujours plus multiple. Les
publics du rock, du jazz, comme de la
danse ou du classique s’uniformisent. Et
pourtant on constate un véritable essor
des pratiques amateur depuis trente ans.
Et savez-vous qui sont les champions des
sorties culturelles en Europe ? Les pays
qui bordent la Baltique. Comme quoi
les températures rigoureuses… à moins
que l’éducation y soit aussi pour quelque
chose.
Mais c’est le phénomène de l’éclectisme,
(en anglais,
omnivorism
),
« ce cauchemar
du sociologue »
, qui retient le plus l’atten-
tion. Il est vrai que la culture est partout…
Mais du coup alors qu’il était valorisant
d’être « érudit » en un seul domaine il y
a encore une dizaine d’années, ce n’est
plus le cas aujourd’hui :
« Nous sommes
passés du statut d’univores à celui d’omni-
vores »
. Et en écho aux propos de David
Fajolles, Frédéric Martel d’enfoncer le
clou :
« Le catéchisme culturel français n’a
plus cours, aujourd’hui on lit Montaigne le
matin et on joue à GTA le soir »
.
Mais comme des voix dans la salle le
dirent : la culture ne peut pas seulement
être quantifiée, si intéressante que soit
cette approche. L’art, par sa possible
radicalité et capacité de parler à l’âme,
échappe aux phénomènes de massi-
fication et à l’univers des statistiques.
Heureusement !
Hervé Colombet
John Degois, une des
révélations de Suresnes
Cités Danse, en action
« hip hop » entre les
portraits de Louis Lumière
et d’Henri Bergson.
« La diversité
appartient à
l’idéologie de la
mondialisation
et est même
lamatrice de
la culture. »