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BOULOGNE
Expositions
Jean-Jacques Beineix est l’un de ces grands réalisateurs
français qui ont marqué toute une génération. Le musée
des Années Trente a créé une exposition sur son univers.
Juliette Singer, la commissaire de
Studio Beineix
, nous en
livre les clés.
SIGNÉ
BEiNEIX
lement original. En effet, plus qu’une rétrospective, cette
exposition vise à faire pénétrer le public dans les films
et l’univers de Jean-Jacques Beineix, tout en lui donnant
à découvrir les multiples facettes de sa création et de sa
riche personnalité.
Monter une exposition sur un artiste aussi complexe
n’estpas allé de soi. Il a fallu, d’abord, convaincre l’artiste.
D’une pudeur extrême, et en même temps intransi-
geant, Jean-Jacques Beineix s’est tout d’abord montré
réticent. Habitué à diriger tout lemonde sur un plateau,
il n’a pas l’habitude de lâcher prise. Ce projet un peu fou
a donc dû prendre le temps de mûrir, d’autant qu’il
n’allait pas sans risque. L’exposition pouvait échouer en
donnant au public à voir un « faux » Beineix. Surtout,
telle une boîte de Pandore, elle risquait de s’ouvrir
sur des choses tapies dans les profondeurs les plus
enfouies, les plus intimes de son univers artistique. De
fait, les enjeux de cette exposition ne sont pas seulement
esthétiques. Ils sont mus par des ressorts émotionnels
très forts.
a
vec des films cultes comme
Diva
,
La Lune dans le caniveau
ou
37,2° le matin
, Jean-Jacques
Beinex a imposé une nouvelle esthétique, sans pour
autant renier l’héritage du Réalisme Poétique ou
de la Nouvelle Vague. En poursuivant son parcours
de cinéaste-auteur à part avec
Roselyne et les lions
et
IP5-L’Ile aux pachydermes
, et en faisant apparaître dans
son dernier film
Mortel Transfert
ses propres tableaux,
il a sans le savoir, fait jaillir dans mon esprit intrigué
l’envie d’en savoir un peu plus sur l’ensemble de sa
création. De là est né le projet « Studio Beineix ».
Ville du cinéma, Boulogne-Billancourt, qui a connu ses
heures de gloire avec les studios de Billancourt - où ont
été tournés le
Napoléon
d’Abel Gance,
Hôtel du Nord
de
Marcel Carné ou plus récemment,
Subway
de Luc
Besson – était le lieu idoine pour accueillir cet évé-
nement totalement inédit. Si Jean-Jacques Beineix a
déjà exposé de nombreux tableaux lors d’une exposition
au Japon en 1996, et deux peintures au Salon d’automne
de 2007,
Studio Beineix
constitue bien un projet tota-
Juliette Singer
Commissaire de l’exposition
Conservatrice des musées de Boulogne-Billancourt
© Stephane GRANGIER
Au final, l’aventure s’est avérée très stimulante. Cette
exposition, dont le format même est interrogé, devient
ici un projet vivant. Son parcours est celui d’un laby-
rinthe étrange et ludique, dont chaque recoin recèle des
surprises, et où l’artiste va régulièrement revenir ajouter
une sculpture oumodifier des choses. Cinéma, peinture,
écriture, cadrage, photographie, musique, paroles de
chanson… Tous les aspects de la création de Jean-
Jacques Beineix sont présents, mais au lieu d’être artifi-
ciellement séparés, ils se déploient en un continuum
conforme à son mode de pensée et de création. Ainsi
Studio Beineix
ressemble à la fois à un lieu de tournage
cinématographique, avec des caméras, des décors et des
extraits de films, et à un lieu d’habitation assez biscornu
où la baignoire se trouve dans le salon, et où le lit est en
fait un divan de psychanalyse !
Comme la madeleine de Proust, certains éléments du
parcours vous rappelleront des souvenirs : les premiers
essais de Béatrice Dalle pour
37,2° le matin
, les dernières
prises de vue d’Yves Montand dans
IP5…
Vous retrou-
verez aussi l’impasse poisseuse de
La Lune dans le
caniveau
, le bungalow si sensuel de
37,2°
, la piste de
cirque de
Roselyne et les Lions
, l’opéra de
Diva
… Mais
la surprise vient aussi, de vraies découvertes telles que
L’Affaire du Siècle
, un projet de film burlesque sur des
vampires auquel Jean-Jacques Beineix a travaillé vingt
ans sans pouvoir le réaliser ; des archives personnelles,
que pour la première fois, il accepte d’ouvrir ; ou encore
d’un piano fusionné avec un tableau, sur lequel il viendra
jouer, en alternance avec qui voudra, les
Vexations
d’Erik
Satie, rebaptisées pour l’occasion « les Beixations ».
Bienvenue donc, chez Beineix, dans ce studio bigarré,
lieu d’une intense création, où le zen s’apprend par l’art
de la tartine et où le plus beau, toujours, reste à venir.
Studio Beineix,
jusqu’au 29 septembre au musée des
Années Trente à Boulogne-Billancourt.
© Philippe Fuzeau
Le cabinet de curiosités,
vue de l’exposition
Studio Beineix
.
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