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De ELHI à ELIK, le général de Gaulle vient se recueillir au Mémorial de la France
Combattante chaque EK juin. Évocation de ce haut lieu de l’Histoire et de ses
symboles.
Par Philippe Barthelet
Écrivain
« La France souffrante,
combattante et victorieuse. »
DE GAULLE
au mont valériEn
75
un hommE, un liEu
Suresnes
Le 18 juin 1960, à l'occasion
du 20
e
anniversaire de son
Appel, le général de Gaulle,
président de la République,
au pied de la grande croix
de Lorraine.
e 18 juin 1946, le général de
Gaulle qui a quitté la prési-
dence du gouvernement
provisoire cinq mois plus tôt
donne rendez-vous à ses partisans au
mont Valérien : c’est la première mani-
festation publique organisée autour de
lui à Paris ou à ses portes. C’est là qu’il
entend célébrer le sixième anniversaire
de son appel du 18 juin 1940. Claude
Mauriac note dans son journal :
« Il
raconta la bousculade (…) Il eut très peur
d’être pris de force par les manifestants et
porté en triomphe à l’Élysée »
.
Devant son secrétaire, deGaulle explique
pourquoi il tient à cette célébration
annuelle :
« Il faudra que la cérémonie du
montValérien se renouvelle tous les ans, que
tous les ans la tombe de l’Inconnu et la terre
des fusillés soient unies dans une même
cérémonie symbolique, afin que les Français
s’habituent à considérer comme un tout
cette guerre de trente ans, où il y a eu des
hauts et des bas certes, mais qui s’est tout
de même achevée par la victoire de la
France. Foch, Clemenceau, de Gaulle, c’est
lamême chose et il importe que les Français
n’en doutent point »
. C’était donner en
quelquesmots à la fois sa vision de l’his-
toire et sa perspective politique : faire du
mont Valérien le haut lieu de la France
souffrante, combattante et victorieuse et
lui-même, en statue du commandeur
gardien de ce haut lieu, le recours fati-
dique après l’épuisement du «système»,
soit, dans son langage, le jeu stérile des
partis d’une IV
e
République encore au
berceau.
UN MONT IMMÉMORIAL
LemontValérien est unhaut lieu immé-
morial, où se retiraient des ermites, où
les Parisiens depuis les premiers siècles
de notre ère venaient en pèlerinage.
Un chemin de croix y fut érigé sous
Louis XIII ; une congrégation s’y établit,
à laquelle succédèrent desmoines, jaco-
bins puis trappistes ; à travers les vicissi-
tudes de l’histoire, cette « colline inspi-
rée » resta un lieu de prière jusqu’à
Louis-Philippe qui chassa les prêtres de
la Mission de France et réunit le mont
Valérien au domaine de l’État. Il lui
donna aussitôt une nouvelle vocation,
militaire, à laquelle avait songé Napo-
léon : le fort du Mont-Valérien, l’un de
seize forts qui protégeaient Paris, fut
construit à partir de 1840. On sait quel
rôle funeste il joua pendant la guerre de
1870, quand ses canons bombardèrent et
anéantirent le château de Saint-Cloud.
Pendant l’occupation allemande, c’est
dans son enceinte que laWehrmacht fit
exécuter les résistants, que son tribu-
nal militaire avait condamnés pour
« espionnage » ou « terrorisme » : le
lieutenant de vaisseau Honoré d’Es-
tienne d’Orves fut l’un des premiers
fusillés dumontValérien, le 29 août 1941.
Unmillier suivront, résistants et otages,
jusqu’à la Libération trois ans plus tard
– 1008 qui ont été identifiés, et dont
les noms figurent sur la cloche de
bronze qui depuis 2008 repose devant la
chapelle. Gabriel Péri, Boris Vildé,
Georges Politzer, Jacques Decour, les
vingt-deux du « groupe Manouchian »,
et tant d’autres, qui ont attendu dans la
chapelle désaffectée, transformée en
dépôt. Du chemin qui les conduisait à la
clairière ils pouvaient apercevoir, qui
orne la chapelle, une croix de Jérusalem,
que l’on appelle aussi « croix de
Lorraine» et dont le général de Gaulle
avait fait le symbole de la résistance fran-
çaise. On pourrait croire que les sym-
boles ne sont jamais fortuits.
LA FRANCE EST UN COMBAT
« QUOI QU’IL ARRIVE, LA FLAMME
DE LA RÉSISTANCE FRANÇAISE NE
S’ÉTEINDRA PAS » : cette phrase tirée
de l’appel du 18 juin est gravée au pied de
la Croix de Lorraine de douzemètres de
haut qui marque aujourd’hui l’entrée de
la crypte du Mémorial de la France
Combattante. Ce Mémorial, le général
de Gaulle l’a voulu dès la Libération : la
France Combattante est le nom officiel
qu’il a donné à la France Libre la veille
du 14 juillet 1942 ; pour lui, le nomet son
adjectif sont de quasi-synonymes, car
la France est un combat, un combat qui
sous demultiples formes n’a pas cessé de
1939 à 1945. Dès 1946, une crypte provi-
soire est installée au mont Valérien où
l’on rassemble les corps de plusieurs
combattants, de France métropolitaine
et d’outre-mer. Seize au total : deux
femmes, Bertie Albrecht, morte en
prison, et Renée Lévy, suppliciée en
déportation ; deux résistants de l’inté-
rieur et onze soldats, hommes du rang,
sous-officiers, officiers, du tirailleur
marocain Allal Ould M’Hamed Ben
Semers au commandant ArnaudHenri,
commandant la 4
e
escadre de chasse
puis, en 1952, Edmond Grethen, inspec-
teur en chef de la garde indochinoise,
fusillé par les Japonais. Seize caveaux en
arc de cercle autour d’une urne funéraire
contenant des cendres recueillies dans
les camps de lamort ; et undix-septième,
encore vide, où sera inhumé le dernier
des compagnons de la Libération. Alors,
leMémorial sera achevé et avec elle, une
terrible époque de notre histoire.
SEUL DANS LA CRYPTE
Pendant la « traversée du désert », le
montValérien est le point de ralliement
des fidèles du général de Gaulle. L’un
d’eux, André Astoux, raconte le 18 juin
1954 :
« Nous n’étions pas très nombreux.
En ce temps-là, la cérémonie se déroulait à
l’intérieur du fort. Nous arrivions par le
chemin montant jusqu’à la porte de l’en-
ceinte. Sur le pourtour de la cour, nous nous
rangions, debout, attendant l’arrivée du
général de Gaulle. Je retrouvais André
Malraux. Lorsque le général entrait dans le
fort, tout lemonde faisait silence. Il allumait
la flamme avec une torche venue de l’Arc de
triomphe. Après les sonneries, il pénétrait
dans la crypte (…) pour se recueillir, seul…
pendant que la fanfare jouait le Chant des
partisans en sourdine »
.
SEIZE HAUTS RELIEFS
À partir de 1958, la cérémonie du 18 juin
prend un tour plus officiel : le général de
Gaulle, président de la V
e
République,
charge l’inspecteur général des bâtiments
civils et palais nationaux, FélixBrunau, de
dessiner un véritable monument, celui
que nous connaissons ; il l’inaugurera le
18 juin 1960. Devant une vaste esplanade,
unmur de centcinquantemètresde long,
en grès rose des Vosges, est accoté au
rempart de la forteresse. La croix de
Lorraine, en son milieu, marque l’entrée
de la crypte ; devant elle, une flamme
brûle enpermanencedans une vasquede
bronze. Chaque 18 juin, le président de la
République la ravive avec un flambeau
provenant de l’Arc de triomphe. Seize
hauts reliefs, sculptés par seize artistes
différents, rappellent seize aspects de la
guerre, du combat de Saumur en juin
1940 aupassageduRhinenmars 1945, en
passant par Narvik, l’appel du 18 juin, Bir
Hakeim, la déportation, les maquis, les
fusillés, Cassino, la libérationdeParis, celle
de l’Alsace…
Le 18 juin 1968, c’est pour la dernière fois
que le général de Gaulle a ravivé la
flamme duMémorial.
©RuedesArchives/AGIP
18 juin 1959 : le général de
Gaulle, alors président de la
République, ranime la
flamme du mémorial
national de la Résistance.
©LAPI /Roger-Viollet
l
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