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boulogne
TAgORE CHEz ALBERT KAHN,
1921
I
l y a cent ans, le poète indien recevait le prix Nobel de
littérature, premier Asiatique à obtenir ce prix. Sa
notoriété est donc établie, et son œuvre diffusée,
lorsqu’Albert Kahn l’accueille avec sa famille à Boulogne
et au capMartin (à plusieurs reprises dans les années 1920).
Ce sont probablement les membres de la toute jeune
Association française des amis de l’Orient, fondée en mai
1920, qui jouent les médiateurs entre les deux hommes.
À l’écart des rumeurs urbaines, la propriété boulonnaise
–siègeducercleAutour duMonde–estune résidence idéale
pour Tagore, un lieu propice à l’écriture. Il y travaille des
conférences sur la réunionde l’Orient et de l’Occident, une
cause qui ne peut laisser Kahn indifférent. Tagore est
conscient que l’ouverture à l’universel ne doit pas détruire
les identités, un équilibre difficile à maintenir.
L’été 1920, quittant l’atmosphère paisible des jardins de son
hôte,Tagoreparcourt enautomobile avecKahn lesArdennes
dévastées par laGrandeGuerre.Très choqué, il évoque cette
douleur morale dans une conférence empreinte de pessi-
misme donnée au Comité national d’études sociales et
politiques (fondé par Kahn en 1916).
Foyer stimulant de dialogue entre les cultures et les divers
milieux socioprofessionnels, le cercle Autour du Monde
permet de nouvelles rencontres quotidiennes pourTagore.
Il fait ainsi connaissance de la femme de lettres Anna de
Noailles qui, comme tant d’Européens, tombe sous le
charme de cette personnalité alliant beauté physique et
beauté intérieure. Elle contribue à l’exposition d’aquarelles
et dessins de Tagore à la galerie Pigalle et évoque leur
rencontre chez Kahn :
« La haute stature du poète vêtu de lin,
ses pas de velours sur le sable doré, son visage de prophète qui ne
s’irrite pas […], sesmains paisibles qui semblent avoir le pouvoir
d’enrichir et de consoler les hommes, paraissent une explication
suffisante des rosiers duBengale s’élevant superbement des deux
côtés de sa promenade royale ! Qu’il était noble et prodigue, ce
sage, en conversation avec lui-même, énigmatique et limpide
pourtant, comme la mer argentée ! »
.
Décor enchanteur par excellence, la roseraie enfleur estune
parcelle du jardinKahn souvent choisie pour photographier
les invités du banquier ; mais jamais elle n’a été le cadre de
propos aussi enthousiastes que pour cet éloge deTagore.
S
OPHIE
C
OUëTOUx
Musée Albert-Kahn
Rabindranath Tagore
dans le jardin d’Albert Kahn
à Boulogne. Autochrome
d’Auguste Léon, juin 1921,
ALBERT-KAHN
Chronique de l’œil
109
Fragilité des paradis
Jusqu’au 3 novembre, le
festival de photographie
contemporaine du musée
Albert-Kahn présente dans
les jardins
Un arrière-goût
de paradis
. Cinq photo-
graphes exposeront sur le
thème des « territoires
fragiles » menacés par
l’homme et les sinistres
écologiques : Ghislain
Sénéchaut, la Patagonie ;
Camille Ayme, Salton Sea,
le plus grand lac de
Californie ; Camille
Zakharia, les côtes de
l’archipel de Bahreïn ;
Vasantha Yogananthan,
la dernière grève sauvage
de Camargue ; Tiina
Itkonen, le Groenland.
© Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine
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