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« Une sorte de diamant ou d’ovni,
tombé dans un endroit sensible,
qui avait du sens »
Jean Pierre Raynaud
© CG92/Olivier Ravoire – Adagp, 2011
C’estainsi qu’à partir de 1986, JeanPierre Raynaud conçoit
leMastaba qu’il fait construire à la Garennes-Colombes
par l’archite e JeanDedieu. Au commencement, ce nou-
veau lieu a vocation de réserve de tableaux.Mais en 1993,
Raynaud décide de venir habiter leMastaba et détruit la
maison de La Celle Saint-Cloud. Un geste accompli
comme un « sacrifice rituel » dont il ne conserve que
1000 fragments, exposés dans des containers chirurgi-
caux avant dispersion en 1000 lieux différents. Détruire
la splendeur de LaMaisonquestionne la notionde beauté :
« C’est un piège », répond Raynaud.
À la Celle-Saint-Cloud puis à La Garenne-Colombes, au
terme d’une démarche radicale, Raynaud aura mené
chaque lieu à sonpoint d’absolu, une dimensionqui signe
le dépassement de l’homme, explore l’extrême au péril
de sonœuvre, proche en cela deMalevitch, Klein, Staël...
La Maison devient une métaphore de la tauromachie
lorsque Raynaud s’en sert pour traiter du drame humain :
il fait disparaître du « vivant » et décide du moment
même de lamise àmort. La nature radicale de l’artiste le
pousse à retirer les substituts qui feraient écran, il décape
le charnel, rejette l’artifice, et annonce sa décisionde faire
passer du côté de l’Art, « la disparition ».
Le Mastaba 1
, une biographie intime
Comme son nom l’indique, l’archite ure-concept de
Raynaud, semi-enterrée à LaGarenne-Colombes, fait ré-
férence aux mastabas, monuments funéraires des pha-
raons de l’Égypte antique. LeMastaba estici unmanifeste
en forme de biographie personnelle, JeanPierre Raynaud
érigeant une forme de stèle à la mémoire du père, en-
seveli en 1943, à cinq centsmètres de là. LeMastaba était
voulu comme «
un lieu parmi les autres mais distancié…
une sorte de diamant ou d’ovni, tombé dans un endroit sen-
sible, qui avait du sens
». Entre 1993 et 1995, Raynaud va
habiter les 300mètres carrés de ce « san uaire-crypte »,
immaculé comme un défi au temps, qui incarne la vo-
lonté de refermer l’espace par la céramique qui clôt im-
placablement toutes ses parois. « Abri » à demi enterré,
il ne dévoile de l’extérieur aucune ouverture visible. Chez
les Égyptiens, un puits d’accès était ménagé au sommet
et refermé après l’ensevelissement. LeMastaba de Ray-
naud comporte un orifice identique à son sommet, un
puits, ouvert, qui joue une double fon ion : il met en
relation la terre avec le ciel tout en tirant la lumière vers
l’espace vide d’objet. Une mise au tombeau métapho-
rique ?
Le carrelage, « blanc pur »
Objet de fascination pour Raynaud, il évoque des images
de morgue, asile, cellule, métro, stations d’essence…, et
des sensations de froid, nudité, hygiène obsessionnelle,
cruauté… Le carrelage en céramique « blanc pur »,
15x15cm, joints noirs, ce matériau banal, devient signe
abstrait lorsque Raynaud en fait sa signature. «
Il faut
comprendre que c’est le mot liberté qui estmon projet et qu’il
n’y a aucun confort dans mes œuvres, ni pour moi, ni pour
vous
». Les archite ures en céramique blanche de Ray-
naud donnent à ressentir un monde étrangement clos,
comme insonorisé, ununivers du« cri étouffé ». En effet,
l’art de Raynaud joue en permanence sur cette tension
de l’ultime : être à la fois dans la création et la disparition,
renaître - mourir. Une voie unique, un chemin de vio-
lence par rapport à lui-même, une logique de disparition
que l’on retrouve à l’œuvre avec les Sens-Interdits, la des-
tru ion de La Maison…, et le Container zéro construit
au Centre Pompidou en 1988.
Ce « reliquaire » contemporain révèle la dimension an-
thropologique bouleversante de la pratique artistique de
Jean-Pierre Raynaud. À toutes époques, qu’il soit profane
ou religieux, le reliquaire ne permet-il pas la renaissance
du monde à travers l’objet de mort qu’il contient ?
© CGVO/Olivier Ravoire – Adagp, OMNN
Mastaba 1
La Garenne-
Colombes
À l’origine duMastaba,
une « Folie » expérimentale !
En 1969, Jean Pierre Raynaud construit La Maison, une
archite ure singulière à la Celle Saint-Cloud. L’artiste
y vit seul et pendant 24 ans, tel undémiurge, expérimente,
détruit, reconstruit…métamorphose l’espace. Le «Ter-
rier » se referme progressivement, issues bétonnées,
peinture kaki à l’extérieur, puis se rouvre, vers l’extérieur
par une immense meurtrière horizontale, à l’intérieur
par une perspe ive vers la crypte qui reste fermée par
une grille. Dans une phase ultérieure, La Maison sera
blanche à l’extérieur et à l’intérieur, tapissée d’un carre-
lage blanc avec joints noirs. Une tourelle sera ajoutée, les
Occultations seront à l’œuvre…Comme un ensorceleur,
Raynaud emmène les autres dans son histoire. Le dé-
lire passionnant de LaMaison où il construit dans le réel,
en permanence, un lieu, où il pousse le dépouillement,
la splendeur et la perfe ion au point le plus ultime, lui
permet parallèlement d’élaborer sonœuvre et de la faire
évoluer.
Hauts-de-SeiNe
archite ure-sculpture
zooM
Mastaba 1
la Garenne-colombes
Le projet conçu en NVUS par Jean-Pierre
Raynaud, (architecte Jean Dedieu) a été
racheté en OMMS par le conseil général
des Hauts-de-Seine et la ville de
La Garenne-Colombes qui en a fait,
depuis septembre OMMV, un « musée
Raynaud », ouvert au public et aux
rencontres artistiques.
Mastaba N, La Garenne-Colombes
.
Maison-musée de Jean Pierre Raynaud,
NM avenue Rhin-et-Danube, VOORM
La Garenne-Colombes
Tél. : MN.TO.QO.QR.TQ
Mastaba 1
La Garenne-
Colombes