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itinéraireS
C’est bien sûr au cœur de « son »
île de La Jatte, rendue célèbre
par les peintres impression-
nistes – Monet, Van Gogh et
Sisley – et néo-impressionnistes,
Seurat, que Georges Lucenet a
fait récemment le point sur les
combats touristico-culturels
qu’il mène en faveur de la
valorisation des territoires
de l’impressionnisme. Ainsi
l’association
Eau et Lumière
souhaite classer ce courant
pictural au Patrimoine mondial
de l’UNESCO et créer « Les
Routes des Impressionnismes »,
sous le label du Conseil de
l’Europe. Il peut en exister treize
dont huit en France. Un combat
mené avec le soutien de
l’association
Jatte Livres
& Culture
, présidée par
l’urbaniste Bernard Lamy, et de
Monique Lucenet, historienne
de l’art, qui vient de faire
paraître deux livres aux Éditions
Les Itinéraires :
L’Île de la Grande
Jatte au cœur du Val de Seine
Impressionniste
et
Balades
Impressionnistes en bord de
Seine
.
H.C.
eauetlumière.over-blog.com www.paysagesimpressionnistes.euPortraitiste de renom, Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) écrit à un ami en 1880, « Je suis revenu à
Chatou à cause de mon tableau… », allusion au
Déjeuner des canotiers
(130,2 x 175,6 cm). Dans cette
grande œuvre, distribuée en trois plans successifs, les personnages occupent plus des trois-quarts de
l’espace de la toile dans un joyeux désordre de fin de repas. Assis, debout, accoudés, ils sont si vivants
que nous les entendons rire… Et en 1892, Paul Durand-Ruel, le bon génie des impressionnistes,
accrochera
Le Déjeuner des canotiers
dans sa salle à manger de la rue de Rome, à Paris.
Sur la terrasse de l’auberge Fournaise qui surplombe la Seine, à l’île de Chatou, Renoir a réuni amis et
modèles pour brosser ce portrait de groupe, animé par quatorze figures. Afin d’éviter treize personnes
autour de la table, comme dans
La Cène
de Léonard, le peintre a ajouté son autoportrait – visage furtif
et de profil – tourné vers l’un des modèles féminins situé aux deux-tiers central de la toile. Dans le
grand portrait de groupe, Renoir en inclut d’autres plus petits et le lien se crée par les regards, la ronde
des chapeaux, l’atmosphère gaie et contagieuse. Le spectateur assiste ainsi à cinq conversations
simultanées où les personnages, connus pour la plupart, conversent (poète, banquier, baron, éditeur,
journalistes, actrices, modèles…).
Renoir brosse également trois portraits isolés, les plus importants. Sur la gauche, au premier plan, il
décrit avec la douceur qu’aurait un pastel sa gracieuse fiancée et future femme, Aline Charigot, assise,
jouant avec son petit chien. Derrière elle, debout en costume de canotier, Alphonse Fournaise domine
la scène, rappelant qu’elle se situe à l’Auberge de son père, figure tutélaire qui rassemble les régatiers.
À droite, au premier plan, l’ami de Renoir, le peintre impressionniste Gustave Caillebotte, en canotier,
généreux mécène et champion de régates, s’isole du bruit ambiant un crayon à la main. À califourchon
sur une chaise, il esquisse sur la nappe la ravissante scène que lui propose Aline posant avec son
chien. Renoir rend hommage aux grands Anciens en métamorphosant les vestiges du repas en
somptueuse nature morte. Quant au paysage, il lui accorde la fonction de rideau végétal permettant
d’intimiser ce
Déjeuner
. Seule une trouée, sorte de « fenêtre ouverte sur le paysage », est ménagée en
direction de la Seine. On devine une voile qui passe, légère…
A.B.
Le Déjeuner des canotiers, Maison Fournaise,
@GG?-@GG@, Chatou.
Auguste Renoir, huile sur toile, @B? x @FB cm, collection Phillips, Washington.
« Le déjeuner deS canotierS » de renoir à L’auberge FournaiSe
© Collection Phillips, Washington
Laissée à l'abandon dès 1906, la Maison a été rachetée par la commune de Chatou en 1979. Inscrite
à l'inventaire des monuments historiques, elle est restaurée en 1984 à l'initiative de la ville avec
des aides publiques et privées. Depuis 1990, la Maison Fournaise est de nouveau un restaurant.