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ter à la fougue de sa jeunesse, et à la violence
de l’autorité souveraine. La première le jetait
dans tous les plaisirs ; la seconde lui faisait
porter lamain ravissante sur les biens de ses
sujets, comme si tout eût été à lui... »
De leur côté, les bénédictins de Saint-
Maur, dans leur
Histoire littéraire de la
France
, décrivent
« un règne d’abord dirigé
par la prudence, la modération, la justice et
l’équité, puis terni par un enchaînement de
débauches excessives »
. Paraphrasant son
biographe, ils déplorent queDagobert eût
« poussé l’amour des femmes jusqu’à cet
excès, qu’il en avait trois à titre de reines tout
à la fois, et grand nombre de concubines »
.
C’est à Clichy, au milieu de ses femmes
et des saints évêques ses conseillers, que
Dagobert reçoit les ambassades, celles
desGascons défaits qui se soumettent ou
celle du roi breton Judicaël, qui vient lui
rendre hommage
« avec beaucoup de
présents »
; Éloi avait été l’artisan de cette
victoire diplomatique. Frédégaire rap-
portedans sa chronique que le futur saint
Judicaël, qui bientôt renoncera sa cou-
ronne pour se retirer dans unmonastère,
effrayé de la licence qu’il voyait à la cour,
refusa l’hospitalité de Dagobert pour
demander celle du référendaire Dado,
ami intime d’Éloi et disciple de saint
Colomban, qu’il savait
« homme de sainte
vie »
. Dado, aliasAudoin, aliasOuen, sera
évêque de Rouen et deviendra le saint
Ouen dont se souviendra la topographie
d’Ile-de-France.
une cour où se côtoient saints
et courtisanes
«Cette cour deDagobert était quelque chose
d’étrange,
écrit Henri Martin.
Les saints y
coudoyaient les courtisanes ; les chants de
l’orgie s’y confondaient avec les hymnes
sacrés. Dagobert rendait d’une main au
clergé ce qu’il lui enlevait de l’autre, dépouil-
lant et enrichissant tour à tout les églises »
.
La munificence royale bénéficia surtout
à Saint-Denis, dont il transforma la petite
chapelle construite par sainteGeneviève
sur le tombeaudu saint, enune basilique
admirable, qui devint le cœur même du
royaume de France et où il sefit enterrer,
quand un « flux de ventre », soit une
dysenterie, l’emporta en638 à trente-cinq
ans. Mézeray note la
« singulière dévo-
tion »
du roi
« envers saint Denis et ses
compagnons martyrs »
: pour desservir le
sanctuaire qu’il leur avait consacré, il
fonda l’abbaye célèbre entre toutes dans
la chrétienté, qu’il dotamagnifiquement,
où il institua une psalmodie perpétuelle
le jour et la nuit, à l’instar de celle que l’on
pratiquait aux abbayes de Saint-Martin
de Tours ou de Saint-Maurice d’Agaune
– saint Martin et saint Maurice étant les
deux autres guides célestes et interces-
seurs de Dagobert. Les
Gesta Dagoberti
rapportent à ce sujet qu’un ermite, retiré
sur une des îles Lipari, eut la vision d’un
vieillard qui lui commandait de prier
pour l’âme de Dagobert qui venait de
mourir : sur la mer il vit une barque où
était le roi enchaîné, que des démons qui
le battaient avec fureur conduisait au
Stromboli, une des portes de l’enfer.
Dagobert ayant imploré le secours des
saints Denis, Maurice etMartin, aussitôt
le ciel s’ouvrit en tempête et les trois
saints, mettant les diables en fuite, em-
menèrent son âme avec eux.
n
« Dans les Hauts-de-Seine
mérovingiens, on chassait
le cerf, le sanglier, mais aussi
l’ours et le loup… »
Ratification par
Dagobert I
er
d’un partage
entre deux frères,
Ursinus et Beppolenus,
VRY-VSY.
Archives nationales.
Le trône de Dagobert
Quatre protomés de
panthères forment les pieds ;
les accoudoirs sont
constitués de deux
bandeaux ajourés, décorés
de rosettes (partie inférieure)
et de motifs végétaux
(registre supérieur) ; le
dossier, de forme
triangulaire, est orné de trois
cercles et de rinceaux. Ce
siège, à l’origine pliant, serait
une œuvre du VII
e
siècle, ou
une « réplique
carolingienne ».
©RMN-GrandPalais (ChâteaudeVersailles)
©BnF,Dist.RMN-GrandPalais / imageBnF