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un homme, un lieu

Clichy

Il faut imaginer les Hauts-de-Seine il y a

quatorze siècles : c’est une forêt, qui

s’étend de Clichy jusqu’au pont de Saint-

Cloud ; forêt de chênes, si l’onencroit son

nom, « Rouvray », dont l’actuel bois de

Boulognen’est plus que le vestige infime.

On y chasse le cerf, le sanglier,mais aussi

l’ours et le loup ; avant d’être la résidence

du roi, comme bien plus tard Versailles,

Clichyseraun rendez-vous de chasse ; car

le roi, premier guerrier, sedoit d’être aussi

le premier chasseur en son royaume –ce

qu’il sera jusqu’aux derniers Bourbons,

Louis XVI et son frère Charles X, que les

paysans surnommaient « Robin des

Bois », et ces parages de la Seine retenti-

ront encore jusqu’il y a moins de deux

siècles des échos de la chasse royale. C’est

donc à Clichy,

Clippiacum

, que Clothaire

II, arrière-petit-fils de Clovis et de sainte

Clotilde, installe sa cour vers 614.À l’école

du palais qu’il fonde dans le voisinage

sont éduqués les fils des grands digni-

taires avec les princes royaux au premier

rang desquels son fils aîné, Dagobert.

Dagobert égalait en faste les

monarques d’orient

Ce prince est encore adolescent quand

Clothaire l’établit roi d’Austrasie, àMetz,

sous la tutelle du célèbre Arnoul, évêque

de la ville, et de Pépinde Landen lemaire

du palais. Dans cette vice-royauté des

territoires de l’Est, Dagobert ne tarde pas

à s’émanciper de son père et de ses

mentors : il revient à Clichy célébrer ses

noces, mais provoque une vive querelle

avec le roi sur le pouvoir qu’il entend

exercer. À la mort de Clothaire, en 629,

Dagobert a vingt-six ans ; il s’impose en

peu de temps comme le roi de tous les

Francs, et entreprend de visiter son

royaume, ainsi que le raconte son bio-

graphe, le moine de Saint-Denis auteur

des

Gesta Dagoberti

,

« frappant de crainte

les grands, les évêques et les autres leudes,

portant l’allégresse dans l’âme des pauvres

qui avaient le bon droit pour eux, ne faisant

acception de personne, ne recevant point de

présents, et ne prenant pas le temps de

manger ni de dormir, tant le zèle de la justice

le dévorait »

.

Évoquant ces commencements heureux,

HenriMartin insiste sur

« lamagnificence

de sa cour »

de Clichy :

«Dagobert égalait

en faste les monarques d’Orient ; les pierres

précieuses étincelaient sur les bandeaux et

sur les ceintures d’or des officiers et des

femmes du palais ; les soies éclatantes de la

Chine, que les marchands syriens appor-

taient d’Asie enGaule et yvendaient au poids

de l’or, couvraient le roi et ses courtisans »

.

Le roi siège sur un trône enormassif que

lui a forgéÉloi, son trésorier, futur évêque

deNoyonqui passait pour l’undesmeil-

leurs orfèvres de son temps.

grand guerrier, administrateur et

législateur

Grand guerrier, Dagobert pacifie son

empire, étouffant les rébellions ou les

velléités séparatistes des grands, aussi

bien en Aquitaine, en Bourgogne que

dans les marches allemandes, interve-

nant jusqu’en Espagne ; grand adminis-

trateur et législateur, il fait restaurer le ca-

dastre et promulguedes codes. La rançon

de sa vaillance est dans l’emportement de

son caractère, que l’évêque Arnoul ni

Pépin le maire du palais ne sont plus là

pourmodérer :

«Depuis qu’il s’était défait

de ces deux sages gouverneurs qui le tenaient

en bride,

écritMézeray,

il se laissait empor-

le grand roi

dagobert

En C?E, Dagobert a vingt-six ans ; il s’impose

comme le roi de tous les Francs. Il établit son

fief à Clichy et sera le fondateur de la basilique

Saint-Denis. Ses neuf ans de règne sont

« extraordinaires » par leur magnificence.

Par Philippe Barthelet

Écrivain

Dagobert I

er

roi des Francs en VRY

Émile Signol (QXPT-QXYR).

©RMN-GrandPalais /AgenceBulloz