Previous Page  77 / 123 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 77 / 123 Next Page
Page Background

77

©CD92 /OlivierRavoire

plus large, n’aplus un«dehors », unexté-

rieur, dans le lequel reverser éventuelle-

ment ses problèmes.

Vousparlez souventdubesoind’avoirdes

projets radicaux. Qu’entendez-vous par

là ?

Être « radical », ce n’est pas forcément

aller dans le sens de projets avant-

gardistes. Ulrich Beck parlait, il y a déjà

quelques décennies, de la Société du

Risque et démontrait une radicalisation

des problèmes comme conséquence du

processus de modernisation. Si on est

convaincu que cette radicalisation existe,

alors on ne peut pas imaginer un projet

qui ne soit pas radical. Il faut d’abord

s’adapter, adapter nos outils, nos concepts

à une situation de radicalisation. La radi-

calité sollicite également notre imagina-

tion.Nous sommesbienconscientsqu’on

ne passera pas immédiatement à une

autre société, mais on peut au moins

prendre un peu en compte les dimen-

sionsduchangement. Est-ceque« lezéro

voiture»serapossible ?Qu’est-ceque cela

voudrait dire ? Comment peut-on fait

évoluer les espaces ?

La Suisse a voté une réduction des

consommations de près d’un tiers d’ici

2050.Nous, pour lemoment, nousdisons

que laplanète a leproblèmede signer des

accords, par exemple ceux de la COP21.

Des projets radicaux, ce serait donc par

exemple l’idée de recycler à 100%. Pour-

quoi ne pouvons-nous pas le tester ?Cela

changeraitdéjànotreposture etcelanous

permettrait d’élaborer des projets un peu

différents. Mais la vérité est que c’est très

difficile.Même le 100%recyclage immé-

diat trouve contre lui les lois du marché.

Or plus que jamais, nous avons besoin

d’imagination et de courage parce que la

situation est radicale.

Jepenseque laquestionurbaine est reve-

nueaucentredespréoccupations. Celan’a

pas toujours été le cas. Je suis urbaniste-

architecte, un peu paysagiste aussi, et

donc pourmoi l’urbanisme est l’occasion

de relier des choses que l’on perçoit

comme séparées. Nous sommes à un

moment de l’Histoire où nous avons le

devoir de repenser à fond leprojeturbain.

Je revendique cette forme de liberté.

Même si elle n’est pas très présente

dans les faits, je la revendique au moins

comme chercheuse.

n

Propos recueillis par

CarineDartiguepeyrou

et ÉmilieVast

Comment la question de l’énergie, la

diminutionde la consommationpeuvent

être l’occasion de repenser ces structures

bâties qui connaissent quand même

beaucoup d’inertie. Elles ne vont pas

changer complètement dans les pro-

chaines années, mais comment peut-on

les adapter enprenantencompte la trans-

formation de la famille, le besoin de

nombreux logements ?

Le conceptde«villeporeuse», c’estaussi

un moyen de dépasser le clivage qui

existe souvent entre«ville compacte»et

« ville diffuse »…

Eneffet, il fautsortirdudébatidéologique.

De quel côté es-tu ? Tu es fan de la ville

compacte ?Alors tues bien. Si tues fande

la villediffuse, alors tues absolumenthors

de toute hypothèse de durabilité, etc. Il

faut dépasser ce conflit car la ville est tout

cela à la fois. Personne ne pourra retrou-

ver la ville compacte parce qu’elle est

noyée dans un ensemble beaucoup plus

large. En Europe, il y a eu cette tradition

depetits centresmais les sièclesontpassé.

L’Unioneuropéennenedevraitpas consi-

dérer que le paradigme de la ville com-

pacte estla solutionà toutes les questions.

Je ne suis pas fan non plus de la ville

diffuse. Je pense que la ville, c’est juste-

mentdes formes d’urbanitédifférentes et

que chaque forme d’urbanité a besoinde

stratégies différentes.

Il est plus intéressant de regarder à une

échelle un peu plus large, celle de la ville-

territoire. Il aétéutilisé,mêmepour parler

de Paris, le terme de « métropole hori-

zontale », alors qu’une métropole n’a

jamais été horizontale. Mais justement,

dans ce manque d’horizontalité, on

trouve aujourd’hui des limites très fortes.

Qu’on pense à la production centralisée

d’énergieouà laproductiondécentralisée

de nourriture, on a à faire à un territoire

qui est différent de la ville compacte au

sens strictetde lavillediffuseunpeu idéa-

lisée. Même la ville diffuse change, a

changé. Donc cette condition urbaine,

« L’idée de

ville poreuse

est

une tentative de sortir l’urbanisme

des schémas habituels. »

Paola Vigano,

chercheuse

et enseignante italienne,

est la cofondatrice et la

dirigeante d’une agence

d’urbanisme à Milan.

Elle est l’auteur de

La

Métamorphose de

l’ordinaire

et de

La Ville

poreuse

. Reconnue pour sa

manière d’appréhender le

futur et de chercher à

valoriser le territoire à

travers sa richesse

culturelle au sens large, elle

a reçu le Grand Prix

de l’Urbanisme en RPQS

et participe à la réflexion

sur la Métropole

du Grand Paris.