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Meudon
Architecture
décor grandiose et presque théâtral, et des sensations si
intimes dans des espaces resserrés qu’on a l’impression
d’être dans une rue alors qu’en réalité on est devant une
cour-jardin ? Fernand Pouillon répondrait sûrement que
le principal élément de réponse estdans l’unité qui a pré-
sidé à la conception de tout l’ensemble, aussi bien sur le
plan de l’urbanisme que sur le plan architectural. Dans
le détail, plusieurs indices peuvent nous aider à com-
prendre comment la démesure de la Résidence du Parc
nous paraît si mesurée et à échelle humaine.
Tout d’abord la Résidence duParc nous plonge dans l’uni-
vers d’un architecte pour qui les ressorts dumétier d’ar-
chitecte n’avaient pratiquement pas de secret. Il maniait
avec virtuosité les artifices de la composition et des illu-
sions d’optique comme les avaient pratiqués les archi-
tectes de la civilisation grecque à la Renaissance et tels
qu’on peut les voir avec l’exagération du décor de théâ-
tre à l’OlympicoTeatro deVicenze en Italie. Ainsi de l’ex-
ploitation du système des piles de pierre employé pour
les façades les plus hautes de onze niveaux. Considérée
depuis le point fixe de notre regard, chaque façade, bien
que rigoureusement identique aux autres, apparaît dif-
férente de toutes car aucune ne pouvant être située sous
lemême angle de notre vue, le jeu des ombres portées et
la décroissance des lignes de perspective induisent une
perception différente pour chaque immeuble. Il ne sau-
rait donc yavoir demonotoniepuisqueque, bienque sem-
blable, rien n’estpareil. Demême les jeux perspectifs des
piliers de cesmêmes façades augmentent la sensationde
profondeur des cours-jardins de la rue de la Roseraie.
La Résidence nous plonge aussi dans la régularité des
nombres, pairs pour les longueurs d’immeubles
: dix,
douze, seize, vingt et quatre-vingt-douze travées
(5)
, et
seulement deux hauteurs d’immeubles, en nombre im-
pair : onze niveaux, soit R+10, et cinq niveaux, soit R+4
traités comme nous l’avons vu comme R+3+1.
Les dimensions de travées de la Résidence du Parc sem-
blent être les plus petites que Fernand Pouillon ait utili-
sées pour un ensemble parisien et peut-êtremême pour
toutes ses réalisations
: 2,70 m à 3,00 m
(6)
. Il expliquait
volontiers à propos de la notion de travée que plus les
moyens financiers engagés dans la constructionde l’édi-
fice sont faibles, plus il est nécessaire d’utiliser une
petite travée pour exprimer la plus grande richesse
possible. Quel que soit le matériau de façade, de pierre,
de brique, de verre, de fer, la travée est perçue par l’œil,
et donc par le cerveau, et elle impose un rythme, une
échelle, une atmosphère. C’estgrâce à elle que les « 1 000
fenêtres » ne nous agressent pas, car sa travée dimen-
sionnée à 2,70 m de large, même reproduite à quatre-
vingt-douze reprises, est à l’échelle d’un habitat aux
proportions agréables à vivre, et le cerveau de l’être hu-
main en analyse bien ses heureux effets. Ajoutez à ceci
que la travée des immeubles bas de quatre étages estplus
importante, environ 3 mètres, suffit à faire comprendre
combien Fernand Pouillon a joué de lamodénature des
immeubles entre eux pour générer des impressions
visuelles qui nous sont agréables bienque fort différentes.
Dans la Résidence du Parc Fernand Pouillon donne à
nouveau la preuve de sa capacité à juxtaposer des ali-
gnements prestigieux avec des atmosphères intimes.
Une orientation particulière
La Résidence nous emporte aussi dans son aptitude, vi-
sible sur chaque façade, à capter la plus belle lumière.
Il n’y a aucun hasard à cela et l’orientation des immeu-
bles a été soigneusement choisie par Fernand Pouillon.
À quelques degrés près, elle est lamême aux Deux-Cent
Logements d’Aix-en-Provence et au Point du Jour à Bou-
logne-Billancourt, c’est-à-dire à chaque fois que l’archi-
tecture a pu la choisir. Pour les Deux-Cent Logements
Fernand Pouillon écrivait qu’il avait recherché toutes les
expositions, n’en excluant aucune, le Sud correspondant
à la médiane de l’angle de chaque immeuble ; ce qui est
exactement le cas pour la Résidence du Parc.
Desmoyensmultiples déployés par l’architecte pour faire
Une juxtaposition
d’alignements
« prestigieux »
et d’atmosphères
intimes.
« Quel que soit le matériau de façade,
de pierre, de brique, de verre, de fer,
la travée est perçue par l’œil, et donc
par le cerveau, et elle impose un
rythme, une échelle, une atmosphère
. »
© Catherine Sayen et Franck Gautré
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