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e
ssayer d’aller à la Résidence du Parc
pour la toute première fois ressemble à une partie de
cache-cache.
«
Ici ? ou là ? où diable…? pourtant…
»
et si
l’on n’est pas un habitué, on a toujours un peu de mal à
la situer. C’estque la Résidence du Parc, 2 635 logements,
ne s’offre pas au promeneur pressé ou distrait. Et ce
serait bien mal la connaître de croire que, parce qu’on
a pu embrasser d’un seul coupd’œil l’étendue de ses pay-
sages spectaculaires, on connaîtrait les infinies variations
poétiques qu’elle recèle. Car dès la première approche
la Résidence se dérobe aux regards et c’estquand on croit
la tenir enfin qu’elle s’évanouit à nouveau pour laisser la
place aux grandes étendues, de gazon, d’eau, de parterres,
d’arbres et de fleurs.
Lorsque l’on se tient devant les «
1 000 windows
(2)
»
comme un internaute anglo-saxon a surnommé la barre
de près de deux cent cinquante mètres de long qui fait
officederempart,oudemuraille,onestprécisémentdevant
la Résidence. En principe on n’a plus à la chercher.
Précurseur des zones pour piétons
Et c’est là le premier des mystères de la Résidence. En
voiture on ne peut y pénétrer que par deux passages, la-
téraux à la barre des « 1 000 fenêtres », sortes de grands
guichets à ciel ouvert. Quelle surprise de se rendre compte
que ces deux voies nemènent pas dans la Résidencemais
qu’elles la longent, entraînant le regard vers des espaces
engazonnés ou arborés, ou bien encombrés de voitures
comme dans l’avenue duGénéral-de-Gaulle. La solution
pour trouver vraiment la Résidence est alors d’emprun-
ter à angle droit la rue de la Roseraie, mince voie de com-
munication parallèle à la grande barre mais là encore
c’estdavantage une succession de visions tantôt intimes
tantôt grandioses sur une roseraie, puis sur un espace
planté et arboré dessiné comme un petit jardin de curé
à travers lequel on perçoit un alignement d’arbres et une
façade qu’on devine interminable, d’une étendue d’eau
d’environ 6 800mètres carrés
(3)
soit le plus grand bassin
d’agrémentde la régionparisienne, depetits parcs, puisde
squares au charme indéfinissable, et de bâtiments pitto-
resques en guise de centre commercial. Ce n’estpas une
déception tant le décor est charmant, ou parfois specta-
culaire.Mais en voiture onne voit en réalité presque rien
et on peine à identifier les lieux. Où diable se nichent ces
2 635 logements ? Des pieds de façades d’immeubles, on
aperçoit des murs pleins en belle pierre blond clair, ou
au contraire remplis de résille carrée et ajourée en ciment
gris et terne qui signalent que les rez-de-chaussée des
immeubles sont occupés par des caves. Et gare à ne pas
s’écarter de la rue de la Roseraie, sous peine de tourner
dans des rues sinueuses comme dans un centre histo-
rique, sans plus savoir où l’on est.
Comme dans toutes les réalisations de Fernand Pouillon,
précurseur des zones dévolues aux seuls piétons, c’est
donc à pied qu’il faut découvrir la Résidence du Parc,
revenir à cette stupéfiante façade des « 1 000 fenêtres »
que labrutalitédugesten’arrivepas à rendre laide, deviner
que ce qu’elle donne à voir est un envers de décor à la
fonction très pédagogique d’acclimater d’emblée notre
œil à l’urbanisme et l’architecture les plusmonumentaux
qui aient été érigés à cejour de 1960 en région parisienne
pour l’habitat des hommes.
© Jean-Régis Roustan / Roger-Viollet
Fernand Pouillon
(1912-1986)
:
«
J’ai toujours
placé l’œuvre
architecturale
au service de
l’homme, de
l’esprit social et
de l’économie
».
Le premier habitant de Meudon-
la-Forêt emménageait il y a
cinquante ans, en septembre )+*).