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d’un lieu non-parisien
de quelques mètres carrés de pelouse, cernés d’allées de
graviers. Un chien aboie furieusement.
Je décide de photographier frontalement à hauteur d’au-
tomobiliste. Format d’image : 188 x 120 cm. La hauteur
du cadre, celle des arbres, la longueur, une centaine de
pas environ. Il me serait plus facile de cadrer le sujet
librement, mais ces contraintes sont nécessaires pour
ordonner cette anarchie. Il faut aussi garder la route au
premier plan, la ligne blanche comme fil conducteur.
La largeur de cette bande de bitume permet demaintenir
une distance constante. Le trafic est intense ; pour élimi-
ner le flux des véhicules en transit, je dois prendre chaque
cliché entre deux voitures qui passent, question de
rythme. Il faut tout photographier. Ne pas oublier le grand
parking de location d’automobiles ou la haie végétale du
terrain vague où rien n’accroche le regard si ce n’est le
trottoir et l’asphalte de la route. Y retourner chaque jour,
parfois même pour un bref instant. Ce matin, ciel sans
nuage. Le thermomètre affiche - 10 et un vent coupant
gèle doigts et oreilles. J’alterne séances de prises de vue
et pauses thermos dans la voiture. De l’intérieur je pho-
tographie les rares passants sur le trottoir en face. Ils
avancent tête baissée sans s’attarder. Personne ne re-
marquemonmanège. Nestor Burma en planque. Peu de
monde sur les trottoirs. Coiffé d’un casque de chantier,
un homme passe et pénètre dans l’unique lieu de vie :