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©CG92/MuséedépartementalAlbert-Kahn

À la conquête des terres australes

Après le tour d’Irlande à la voile, il se

rend en 1901 aux îles Féroé : l’idée lui en

est venue

« comme cela, un beau jour, en

regardant une carte »

. Il en rapportera

l’amour des mers froides et le rêve de la

route du pôle. Pendant l’été 1902, en

compagnie de son beau-frère Georges

Hugo, le petit-fils du poète, il pousse

jusqu’à l’île Jan-Mayen et franchit le

cercle polaire. Il admire le Beerenberg,

le sommet de l’île qui

« tel le dieu de l’Arc-

tique, siège majestueux dans son superbe

isolement avec sa cour sinistre de volcans

inférieurs à ses pieds. Drapé d’un manteau

blanc, il semontre rarement tout entier dans

sa royale splendeur, cache tantôt son

sommet, tantôt sa base dans des brouillards

obscurs qui passent lentement, gravement,

éternellement »

.

Les deux années suivantes le conduiront

vers le pôle Sud : c’est grâce à l’opiniâtreté

de Charcot que la France prend part à

la reconnaissance et à la conquête des

terres australes ; il rebaptise

Le Français

le trois-mâts gréé en goélette qu’il a fait

construire pour l’expédition, et qui devait

s’appeler naturellement le

Pourquoi Pas ?

C’est ainsi que des Français hivernent

pour la première fois en Antarctique,

dans la baie dénommée Port-Charcot de

l’île Both.

« C’est tellement beau,

écrit-il,

qu’en me demandant si je rêve, je voudrais

rêver toujours. On dirait les ruines d’une

énormes et magnifique ville tout entière du

marbre le plus pur, dominée par un nombre

infini d’amphithéâtres et de temples édifiés

par de puissants et divins architectes. Le ciel

devient une coquille de nacre où s’irisent, en

se confondant sans se heurter, toutes les

couleurs de la nature... »

Une deuxième expédition, cette fois à

bord du

Pourquoi Pas ?

le ramène dans

ces parages en 1908-1910, avec de plus

grands moyens : les résultats de la

«

Pourquoi pa ? (sic)

, c’est ainsi

qu’il baptise son premier navire,

une caisse à savonsmunie d’un

mât et d’un torchon pour voile,

qui fait naufrage aumilieu d’un

bassin à…Neuilly. »

première expédition ont forcé l’intérêt

du monde officiel, tant scientifique

que gouvernemental. Le commandant

Charcot sur son bateau est devenu un

personnage quasi légendaire. En 1912,

dans son roman illustré

Paris en l’an 3000

,

Hanriot évoque le

Pourquoi-Oui

d’explo-

rateurs du pôle. En 1912 et 1913, il

retourne aux îles boréales, les Hébrides,

les Féroé, Jan-Mayen, l’Islande. La guerre

suspend ses expéditions, et l’explorateur

versé dans lamarine de guerre organise

la lutte contre les sous-marins dans la

Manche, ce qui lui vaut en 1918 une cita-

tion à l’ordre de l’armée.

La paix revenue, il reprend la mer, et

ses missions du golfe de Gascogne à

l’Atlantique nord et de la Méditerranée

à la Baltique. C’est toutefois le pôleNord

qui l’aimante toujours et à partir de 1931

ses expéditions le conduisent tous les

étés en Islande, et de là, au Groenland.

Les Islandais le connaissentetl’admirent ;

l’un d’eux décrit cet

« homme vigoureux,

d’âge avancé, avec des cheveux grisonnants

et des yeux de faucon. (…) Comme tous les

véritables grands hommes, il estextrêmement

modeste, mais il n’en est pas moins vrai que

ses recherches océanographiques dans les

deux régions polaires ont été très impor-

tantes... »

Serge Kahn :

Jean-Baptiste

Charcot, explorateur des

mers, navigateur des pôles,

Glénat, ][[a.

Le

Pourquoi pas IV

lors de

la deuxième expédition de

Charcot dans l’Antarc-

tique, du \` août \d[c

au _ juin \d\[.

Plaque noir&blanc c,` x \[cm

opérateur non-mentionné,

s.l.s.d.

Musée départemental Albert-

Kahn, Collection Charcot/DR

l’ultime voyage

C’est au large de l’Islande que le com-

mandant Charcot terminera sa course :

dans la nuit du 16 septembre 1936, le

Pourquoi Pas ?

, qui le ramenait enFrance,

fait naufrage dans une tempête au large

de Reykjavik, tout près, comme le

souligne son biographe Serge Kahn, du

Snæffelsjökull, le point de départ du

Voyage au centre de la Terre

de ce Jules

Verne qui avait tant compté dans sa

vocation. Il sombre avec son navire et

tout son équipage à l’exception d’un

quartier maître timonier. Son dernier

geste sera d’ouvrir la cage de Rita, la

mouette apprivoisée qui figure avec lui

sur une photographie célèbre.

Lamerrendralescorps,laFranceleurfera

des obsèquesnationales. Sabienveillance

envers les hommes autant qu’envers

les animaux était connue, autant que sa

rigueur morale et son désintéressement.

« Mon plus grand souci a été de ne jamais

faire de peine à personne (...) J’ai aimé mon

pays follement, j’ai cherché à fairemondevoir

et à être digne du nomque je portais »

.

n

La maison de Charcot, 53 bd du

Commandant-Charcot à Neuilly, est

inscrite aux Monuments historiques

depuis 1987.