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Marillac, qui trouvera en lui le directeur
spirituel qu’elle attendait, tandis que lui-
même trouvera en elle l’indispensable
intendante qui saura le seconder en tout.
ÀParis, la confrériedes dames deCharité
qu’il réunit trouve la limite de son action
dans son recrutement même, etVincent
de Paul s’en explique quand la nécessité
lui apparaîtde leur donner des auxiliaires :
«...Mais parce que les dames qui composent
cette confrérie sontlaplupartde conditionqui
ne leur permet pas de faire les plus basses et
viles fonctions qu’il convient faire en l’exercice
de ladite confrérie, comme de porter le potpar
la ville
[apporter leurs repas aux indigents]
,
faire les saignées, les lavements et les donner,
panser les plaies, faire les lits et veiller les
malades qui sont seuls et tendent à la mort,
elles ont pris quelques bonnes filles des
champs à qui Dieu avait donné le désir d’as-
sister les pauvres malades... »
La première
et lemodèlede ces «Filles de laCharité »
est Marguerite Naseau,
« une pauvre
vachère à Suresnes »
:
« Dans les missions
,
diraVincent de Paul,
je fis rencontre d’une
bonne fille de village qui s’était donnée à
Dieu pour enseigner les filles de côté et d’au-
tre. Dieu lui inspira de nous venir trouver.
Je lui proposai le service des malades »
.
MargueriteNaseauestune
« fille dévote »
qui a appris à lire seule avec un petit
abécédaire en gardant les vaches et en
interrogeant les passants. Avec deux ou
trois compagnes, elle a entrepris d’ensei-
gner les petits villageois, ce qui ne va pas
sans mal – ces sœurs vagabondes sont
partout mal reçues en un temps où une
femme doit êtremariée ou cloîtrée. C’est
alors qu’elle alla trouver Vincent de Paul
pour se mettre sous son autorité ; il l’en-
verra à Louise de Marillac. Les Filles de
la Charité étaient nées, obéissant aux
« deux desseins »
de leur vocation, que
leur rappellera leur fondateur :
« le service
des pauvres malades et l’instruction de la
jeunesse, et cela principalement aux
champs »
. Vincent de Paul ne cessera de
le répéter à sesprêtres commeà sesFilles :
« Voilà à quoi nous occupent nos règles, à
aider les pauvres, nos seigneurs et nos
maîtres... Qu’il y ait une compagnie et
que ce soit celle de la Mission, composée
de pauvres gens, qui soit toute pour cela,
qui aille deçà et delà par les bourgs et
les villages, quitte les villes, ce qui ne
s’était jamais fait... »
. MargueriteNaseau
mourra quelques années plus tard de la
peste, à 39 ans, pour avoir cédé son lit à
une pestiférée. Vincent de Paul fera une
conférence sur ses vertus aux filles de la
Charité en juillet 1642. Déclarée « véné-
rable»par l’Église (le premier degréde la
canonisation), uneplaceporteaujourd’hui
sonnomà Suresnes.
les hauts-de-seine, terre de charité
Les confréries de Charité se multiplient
dans les futurs Hauts-de-Seine : on en
trouve une à Asnières, une autre à Saint-
Cloud, et c’est précisément en allant de
l’une à l’autre que Louise de Marillac fait
l’expériencede son«mariagemystique»
avec le Christ, le 5 février 1630 :
« Au
moment de la communion
, écrira-t-elle,
il
me sembla que Notre Seigneur me donnait
la pensée de le recevoir comme époux demon
âme... »
C’est quelques jours plus tard, le
19 février, queVincent de Paul lui envoie
Marguerite Naseau et sous leur double
impulsion, très vite les Filles de laCharité
s’établissent à Colombes, à Nanterre, à
Fontenay (où officiera en particulier
Julienne Loret, l’une de leurs premières
compagnes) sans oublier Clichy, l’an-
cienne paroisse de leur fondateur, où
celles que l’onappellera bientôt les sœurs
de Saint-Vincent de Paul auront leur
maisonmère jusqu’aux années 1970.
C’est encore àClichyqueVincent de Paul
rencontre Antoine Portail, qu’il appellera
son
«plus cher etplus ancien compagnon»
:
il le catéchisa, le conduisit jusqu’au sacer-
doce, et en fit le premier secrétaire de la
Mission et, dès leur fondation en 1633, le
premier directeur des Filles de laCharité.
Tous les trois,Antoine Portail,Vincent de
Paul et Louise deMarillac moururent en
1660. Saint Vincent de Paul, canonisé en
1737, sera proclamé patron de Clichy.
n
« Celui qui prit la place d’un
galérien à son banc est aussi
celui qui assistera Louis XIII
dans son agonie. »
Saint Vincent de Paul
(huile sur toile) par
Francois, Simon
(1606-1671).
Saint Vincent de Paul
soignant les pesti-
férés
. Peinture
de Antoine Ansiaux
(1764-1840). Nantes,
Musée des Beaux
Arts.
La statue du saint
devant « son » église
à Clichy.
©CD92/Jean-LucDolmaire