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paris

LA RUE DUMONT-CENIS,

T

racée sur le chemin de la procession vers l’abbaye

royale de Saint-Denis, la longue rue duMont-Cenis

descend la pente nord de la butte Montmartre.

Aujourd’hui, sa séquence la plus dénivelée est constituée

d’escaliers et paliers de distributionpour les immeubles qui

la bordent.

À la date de l’autochrome (prise en 1923 au débouché de

la rue Cortot), la transformation de la voie rustique est déjà

entamée. Côté impair, des immeubles de rapport dominent

depuis 1914 les petites maisons. D’un côté à l’autre s’affron-

tent deux logiques (hygiène et insalubrité), presque deux

paysages (citadin et campagnard).

C’estcet aspect« village »que les touristes de l’agenceCook

viennent regarder comme des curiosités d’un autre âge,

notamment la masure au toit de tuiles au n°18, dite « mai-

son deMimi Pinson », qui a pratiquement atteint un statut

demaison historique.

La grisette de Musset est en fait attachée au Quartier latin.

Son déplacement est principalement dû à Gustave

Charpentier, avec le romanmusical

Louise

(1900) etleConser-

vatoire populaire Mimi Pinson. Une riche iconographie a

entretenu la légende : tableaux d’Utrillo et van Dongen,

gravures, photographies d’Eugène Atget...

Face aux défenseurs du vieux Montmartre, des journalistes

et des habitants du quartier s’opposent aumaintiende cette

« fantaisie pour carte postale », plaidant pour un habitat

qui rime avec, eau, gaz, électricité, chauffage central, tout-

à-l’égout. Lamaison estdétruite fin 1926.

En contrebas, au n°22 et à l’angle de la rue Saint-Vincent,

le pavillon aux murs roses et volets verts fait aussi l’objet de

controverse. Alors queMontmartre n’estpas encore réuni à

Paris,Hector Berlioz y résidede 1834 à 1836 avec sa première

épouse,Harriet Smithson. Lepanorama lui fait dire :

« Je vois

les tombeaux des rois de France »

. Lorsque la maison est

acquise par la Compagnie parisienne de constructions

immobilières, cette période montmartroise de Berlioz

précipite la prise de conscience de la valeur du lieu. Une

instance de classement est ouverte en décembre 1923.

Cependant, le caractère historique et/ou artistique n’ayant

pas été établi, le pavillon très délabré estdémoli en 1924.

Sur toute la parcelle, des immeubles s’élèvent depuis 1927.

Des bas-reliefs évoquent les anciennes constructions et leurs

jardins ; une plaque rappelle le passage de Berlioz. Quasi-

ment à l’extrémité nord de la rue, est inaugurée le 17 mars

1966 la place Albert-Kahn, en hommage au banquier

philanthrope, fondateur des Archives de la Planète.

S

OPHIE

C

OUËTOUX

Attachée de conservation du patrimoine

Albert-Kahn, musée et jardins départementaux

104

albert-kahn

Chronique de l’œil