Vallée de la Culture n°10 - page 63

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©CG92/José Justo
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L’esthétique romantique de la
nature
Ce domaine si singulier de laVallée-aux-
Loups, composé de plusieurs jardins
tous différents et formant pourtant un
ensemble cohérent, est caractérisé par
sa capacité à rendre tangibles les liens
intimes existant, chezdes artistes comme
Chateaubriand, Jules Barbier ou Jean
Fautrier, tous habitants du vallon, entre
l’amour pour le végétal et la création
artistique.
Chateaubriand, nous le savons, échan-
geait des plantes avec les grands bota-
nistes de son époque, commeHumboldt
ou Bonpland, mais aussi avec d’autres
collectionneurs, comme Natalie de
Noailles, propriétaire du parc de Méré-
ville (Essonne), ou l’impératrice Joséphine,
qui lui envoya de la Malmaison un
précieux exemplaire demagnolia à fleurs
pourpres. Ces passionnés tissaient des
liens personnels, chargés d’émotion
et de valeurs existentielles, avec leurs
arbres, qu’ils plantaient souvent eux-
mêmes. C’est un fait nouveau dans l’his-
toire des jardins. Ces végétaux ne sont
plus de simples matériaux utilisés dans
la composition architecturale d’un parc,
comme dans les jardins de la Renais-
sance ou du Grand Siècle. Ce sont, pour
utiliser une expression encore employée
par les jardiniers et les botanistes de nos
jours, des « sujets ».
De tels jardins, composés d’arbres, d’ar-
bustes ou de fleurs provenant de pays
lointains, capables d’évoquer des sou-
venirs et des émotions profondes chez
leur jardinier, deviennent alors des
poèmes, des compositions sentimen-
tales capables de raconter les vicissi-
tudes d’une vie entière ou, pour parler
comme unhomme duXIX
e
siècle, «d’un
cœur »... Oui, nous sommes, là, enpleine
esthétique romantique, aux débuts d’une
histoire qui sera continuée, en France,
par des écrivains comme Émile Zola,
George SandetVictorHugooudes pein-
tres jardiniers comme Renoir, Caillebotte
et, bien entendu, Monet.
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