Revue Vallée de la Culture n°8 - page 41

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Corrida scène de pique
, Caquelon-
Tête de femme
, Plat-
Taureau et soleil barbu
, Vase-
Chouette
…Picasso récupère
les supports les plus inattendus ou les plusmodestes qui
traînent dans l’atelier (tomettes, fragments de briques,
tuiles) sur lesquels il déploie son univers.
Au printemps 1949, Picasso prend un autre atelier à
Vallauris, rue duFournas, afinde créer desœuvres hétéro-
gènes (céramique, métal, plâtre et objets récupérés). Ces
dernières mêlent ainsi sculpture et céramique, une
intuition avant-gardiste dont témoigne
La Chèvre
(1950),
qui pourrait être la descendante d’Amalthée, la nourrice
de Zeus !
« L’éternel méditerranéen est présent dans l’œuvre
céramique jusqu’au début des années 1970 »
, écrit Bruno
Gaudichon (co-commissaire de l’exposition et auteur de
Picasso et la céramique
).
Par la céramique, Picasso (1881-1973) se confronte à sa
nostalgie de la terre natale (chassé par le franquisme,
l’artiste ne reverra jamais son pays, l’Espagne) et tente la
fusion de la terre-mère avec la terre de l’arène, celle,
familière depuis l’enfance, des corridas. Il ne cesse de les
décrire : figures noires se détachant sur le fond rouge-
orangé de l’arène (référence hellénique de la peinture sur
céramique) ou, pour les extraordinaires plats ronds
hispano-mauresques, couleurs vives que ménagent des
zones d’ombre grâce aux grands bords relevés qui servent
de gradins à la foule sous le pinceau virtuose de Picasso !
Un « éternel méditerranéen »
L’aventure prend son véritable essor lorsque le savoir-
faire de l’un des potiers de l’atelierMadoura, JulesAgard,
estmis au service des formes qu’utilise Picasso. Le potier
tourne des récipients de toutes tailles à partir desquels
l’artiste créera ses formes le lendemain, faisant subir à la
terre encore souple toutes sortes de déformations,
ruptures, pliages…, d’où émergent alors des êtres fasci-
nants, zoomorphes, anthropomorphes, cousins de ceux
des civilisations passées…Ainsi l’amphore devient une
délicate statuette, à l’image d’un Tanagra,
Figures de
tanagras
,
Tanagra noir et bleu
(série 1947- 48),
Vase-Femme
à la mantille
(1949).
Picasso découvre enmême temps les aléas de la cuisson,
l’application des émaux qu’il a l’audace de mélanger
(oxyde, engobe, émail, pastel, vernis…), et qui ne révèlent
leur couleur qu’à la sortie du four, l’obligeant à
« travailler
en aveugle »
. Nombre de vases, de pignates (marmites en
terre), assiettes, plats… sortent de la cuisson métamor-
phosés en
Faunes
sardoniques, Pichet-
Cavalier
, Plat-
« Par la céramique, Picasso se confronte
à sa nostalgie de la terre natale et tente
la fusion de la terre-mère avec la terre de
l’arène, celle des corridas. »
Photo : Maurice Aeschimann
Photo : Gérard Friedli
Corrida – Scène de pique
,
20 avril 1951. Plat ovale
(moulé à la presse) en terre
cuite blanche, peinte aux
oxydes, sous couverte.
H.65 ; L.29 cm. Pièce unique.
Collection particulière
© Succession Picasso 2013
Le cavalier
, 1950. Pichet à vin
en terre cuite blanche tournée.
Éléments tournés et
assemblés. Décor peint à
l’engobe noir, vert et marron et
gravé sur fond blanc émaillé,
sous couverte. H. 41,5 ; L. 32 ;
Pr. 26 ; base 17,5 cm.
Pièce unique.
Collection particulière
© Succession Picasso 2013
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