Revue Vallée de la Culture n°8 - page 46

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SCEAUX
Exposition
1-
Luc Benoist,
Musées et muséologie
,
collection « Que sais-je ? »,
Paris, 1971, p. 53.
2-
Le Dessin français de
paysage aux XVII
e
et XVIII
e
siècles
(2011) ;
Ingres en
miroir
(2012) ;
De Paris à
Barbizon, Estampes
d’Auguste Lepère
(2012) ;
Dessiner à l’Académie royale,
Chefs-d’œuvre de la
collection Christian et
Isabelle Adrien
(2013).
d
ans un petit ouvrage de bonne
vulgarisation, Luc Benoistécrivit naguère que la présence
d’undessindans un cadre était aussi
« déplacée »
que celle
d’un
« papillon dans un coffre-fort
1
». Il n’estpas de collec-
tionneur avisé qui le contestera, tant il est vrai qu’une
feuille légère s’impose d’abord par sa tenue, sa texture,
son grain, son opacité relative, c’est-à-dire avant que la
composition, la technique ou la facture de l’œuvre d’art
proprement dite ne puissent être considérées. Par nature
le dessin se manipule mais, noble et fragile en sa
substance, il oblige à apprécier avant toute autre chose
son étrange corporéité, vulnérable comme était fugace
l’idée qui y fut fixée. Aussi bien peut-on dire que, dans sa
dimension physique, la feuille est en soi métaphorique
dudessinqu’elle porte. Tout le charme d’un cabinet d’arts
graphiques tient à cela que lesœuvres s’ymontrent nues,
comme elles étaient autrefois entre lesmains du peintre
ou du sculpteur, avant d’être négligemment accumulées
dans des cartons ou réunies en liasses dans des placards.
Les musées y ont juste apporté l’ordre et le soin indis-
pensables à leur préservation.
Le Petit Château, une vitrine au cœur de
l’Île-de-France
Depuis trois ans maintenant, le Petit Château, dépen-
dance dumusée duDomaine départemental de Sceaux,
offre au public de partager un peu de ces fonds mysté-
rieux d’arts graphiques, en faisant sortir les dessins de
leurs cachettes où personne ne les voit. Le bonheur n’est
peut-être pas total car il faut, pour les présenter, leur faire
la violence d’un cadre… Mais l’inconvénient est tout
relatif si l’on considère que cela a déjà permis d’étudier
le dessin français de paysage, de montrer 63 feuilles
magistrales d’Ingres conservées dans les réserves du
musée éponyme de Montauban, de révéler la person-
nalité d’Auguste Lepère ou d’accéder aux chefs-d’œuvre
de la collection Adrien
2
. Le principe de l’échange est à
l’origine même du projet du Petit Château. Un fonds
provincial ou privé y trouve une vitrine au cœur de l’Île-
de-France, tandis que le musée départemental peut
organiser des expositions de belle tenue à coûts réduits :
un seul transport, une scénographie adaptée et réutilisée
(seuls les couleurs et les ornements spécifiques en sont
changés), un catalogue coproduit, sont les conditions
heureuses de ces rendez-vous réguliers auxquels le public
semble désormais vouloir se montrer assidu.
L’invité du printemps prochain sera lemusée des Beaux-
Arts d’Angers. Riche de quelque 13 500 feuilles, dont
94,5 % sont des XIX
e
et XX
e
siècles, son cabinet d’arts
graphiques ne compte pas plus de 735 dessins anciens
parmi lesquels se révèlent, toutefois, plusieurs grands
chefs-d’œuvre. Pour donner plus d’ampleur à cette
rencontre, il a été convenu d’exposer 50 dessins français
au Petit Château et 50 autres, d’écoles étrangères, au
Château du Domaine départemental de Sceaux.
Classicisme et néoclassicisme français
Pour ce qui concerne lesœuvres antérieures auXIX
e
siècle,
le fonds angevin présente des disparités significatives
dues à son mode de constitution, lui-même lié au goût
des donateurs qui l’enrichirent peu à peu. Ainsi l’École
française du XVII
e
siècle offre – parfois, il est vrai, à la
faveur d’attributions récentes –unpanorama varié autour
des noms emblématiques de SimonVouet et deNicolas
Poussin (deux rares paysages). L’art de la premièremoitié
et du milieu du siècle est particulièrement bien repré-
senté (François Perrier, Nicolas Chaperon, Eustache Le
Sueur), tandis que le règne de Louis XIV – on notera
l’absence de Charles Le Brun – s’exprime au travers des
œuvres décoratives de Thomas Blanchet et de Pierre
Puget ; Antoine Coypel assurant seul, par une gouache
très spectaculaire, la transition avec le XVIII
e
siècle.
Point de scènes galantes à Angers, mais des œuvres de
François Boucher, Jean-Honoré Fragonard ou Jean-
Eugène Boudin
(1824-1898),
L’Appareillage
,
pierre noire et crayon conté,
23,1 x 31 cm.
© Angers, musée des Beaux-Arts
1...,36,37,38,39,40,41,42,43,44,45 47,48,49,50,51,52,53,54,55,56,...122
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